
Haute-Marne jusqu’au 22 juin 2025 : consultation publique sur projet d’arrêté fixant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet au 14 septembre 2025
8 juin 2025
Aisne jusqu’au 27 juin 2025 : consultation publique sur projet d’arrêté fixant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juillet au 14 septembre 2025
9 juin 2025
Important : pour que votre avis soit pris en compte, utilisez nos arguments pour rédiger une réponse personnalisée.
Modalité de réponse à cette consultation :
- par e-mail : [email protected]
- Objet : Projet d’arrêté préfectoral instaurant l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous-terre de l’espèce blaireau du 1er juillet 2025 au 14 septembre 2025
- jusqu'au 25 juin 2025
Précision importante : tout le monde a le droit d’exprimer son avis sur ce projet d’arrêté, quel que soit son département de résidence.
Monsieur le préfet de la Corrèze,
Alors que le tribunal administratif de Limoges a suspendu votre arrêté du 14 juin 2024 autorisant l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 juin au 14 septembre 2024 dans le département de la Corrèze, la direction départementale des territoires de la Corrèze propose à la consultation du public un projet d’arrêté relatif à l'exercice de la vénerie sous terre du blaireau pour une période complémentaire du 1er juillet 2025 au 14 septembre 2025.
Je souhaite déposer un AVIS DÉFAVORABLE à votre projet d’arrêté.
SUR LA FORME :
- Dans l’ordonnance 2401238 rendue par le tribunal de Limoges, on peut lire : « l’exercice de la vénerie sous terre, pendant la période complémentaire instituée par l’arrêté en litige du 15 juin au 14 septembre 2024, apparaît susceptible de causer la mort de petits blaireaux, directement ou indirectement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 424-10 du code de l’environnement apparaît de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté en litige. » Votre projet d’arrêté est donc illégal et sera de nouveau contesté devant le tribunal administratif.
- Votre note de présentation est déroutante, car sur les 37 pages que compte ce document, à peine 4 ont été rédigées par votre administration. Toutes les autres pages ont été rédigées par la fédération départementale des chasseurs de la Corrèze. Intégrer ces données dans un document administratif à l'entête de la préfecture est assez inquiétant sur l'indépendance de votre administration, et laisse penser que vous ne vous contentez pas de relayer ces informations, mais que vous les validez.
- Vous rappelez que l’article R. 424-5 du Code de l’environnement permet au Préfet, sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, d'autoriser l'exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai. Toutefois, vous omettez de rappeler que l’article L. 424-10 du Code de l’environnement dispose qu'il est interdit de détruire, d'enlever, de vendre, d'acheter et de transporter les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée, sous réserve des dispositions relatives aux animaux susceptibles d'occasionner des dégâts. C'est pourtant ce qui a motivé le tribunal à suspendre votre précédent arrêté.
- Dans votre note de présentation, vous rappelez le contexte règlementaire en soulignant que le sénateur Pierre Cuypers, auteur d’un rapport, « réaffirme la légalité de la vénerie sous terre, en tant que mode de chasse » ce qui d’une part est hors sujet, puisqu’il est question ici de la période complémentaire de vénerie sous terre et non de la pratique de la vénerie sous terre lors de la période générale. D’autre part, le Sénateur Pierre Cuypers n’a jamais caché sa proximité avec le lobby cynégétique et a rendu un rapport à charge contre le blaireau, rapport qui a été dénoncé par plusieurs de ses collègues, mais également par l’ANSES.
- La lecture que vous faites de la décision rendue par le Conseil d’Etat est biaisée, puisque s’il précise que ce mode de chasse est autorisé par l’article L. 424-4, il met à la charge des préfets de s’assurer qu’une ouverture anticipée ne violera pas l’article L. 424-10 du code de l’environnement. Or, la vénerie sous terre est une technique de chasse aveugle qui consiste à envoyer un chien dans le terrier pour acculer les blaireaux, puis détruire leur habitat pour les en extraire avant de les tuer. Dans plusieurs départements, la transmission par l’administration des chiffres des prises de blaireaux a prouvé que la vénerie sous terre conduit à la destruction des terriers et de l’ensemble de ses occupants, y compris des jeunes de l’année, dépendants et qui n’ont évidemment pas pu se reproduire. Le pourcentage de jeunes tués lors des opérations de vénerie sous terre peut dépasser 45% et s’ajoute à une mortalité déjà élevée chez les blaireautins.
- De l’avis de l’ensemble de la littérature scientifique, le blaireau est un « petit » tout au long de sa première année de vie. Le sevrage des blaireautins n’est que le passage d’une alimentation lactée à une alimentation solide, généralement fournie par la mère blairelle. Cette étape alimentaire n’a aucun rapport avec le passage à l’âge adulte des blaireautins, lesquels demeurent pleinement dépendants de leur mère jusqu’à la fin de leur premier automne. Autoriser la vénerie sous terre au 15 mai est donc bien une infraction, qui conduit de plus en plus de tribunaux administratifs à suspendre et annuler les arrêtés concernés.
- Dans le document produit par les chasseurs, ils citent les travaux de François Lebourgeois, mais en se contentant des passages qui les arrangent. Ce scientifique a écrit dans Activités saisonnières et comportements du blaireau européen (Meles meles L.) en contexte forestier tempéré de feuillus de plaine : résultats de 11 ans de suivi journalier (2013-2023) : "Comme beaucoup de mammifères, le blaireau est donc une espèce « altriciale », c’est-à-dire que la croissance et le développement des jeunes nécessitent des soins postnaissance prodigués par des individus adultes (notamment la mère). Même après le sevrage (chez les mammifères « processus durant lequel une mère cesse définitivement d’allaiter son petit »), les jeunes restent dépendants des adultes pour les soins, les différents apprentissages liés à la recherche de la nourriture, aux comportements pour la cohésion des groupes, à l’entretien des terriers." Cet article est en accès libre et serait certainement une lecture plus enrichissante que les documents qui vous sont transmis par la fédération départementale des chasseurs.
- L’estimation du nombre de terriers sur votre territoire et le nombre de blaireaux que vous en déduisez est purement spéculatif et n’est étayé par aucune donnée réellement issue de votre département. Vous ne pouvez pas utiliser des estimations aussi peu fiables pour fixer un quota sur votre arrêté chasse.
- D’ailleurs, alors que vous estimez la population de blaireaux à 11160 individus sur votre territoire, le blaireau n’a été aperçu que dans 30 communes en 2025 et 18 communes en 2024, alors que votre département en compte 279. Les comptages sont-ils réellement réalisés sur une si petite partie du territoire, ou la fédération a-t-elle décidé d’exclure de ses statistiques les territoires dans lesquels elle ne voit pas de blaireaux ?
- Pour pallier à l’absence de données, la fédération de chasse, qui réclame l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre, a envoyé un questionnaire aux maires pour leur demander si l’espèce est présente sur leur territoire. Cette enquête déclarative n’a aucune valeur scientifique et ne permet de tirer aucun conclusion sur les effectifs de blaireaux dans votre département.
- Vous vous hasardez à faire des estimations de populations de blaireaux sans avoir de données pertinentes pour démontrer que la vénerie sous terre n'est pas de nature à mettre en danger les populations de blaireaux de votre département. Outre le risque d'insincérité des données produites, les chasseurs ayant tout intérêt à multiplier le nombre de blaireaux présents sur leur territoire, leurs méthodes de comptage n'ont aucune valeur scientifique. Si vos méthodes de calcul sont contestables, la principale illégalité de votre projet d'arrêté repose sur le fait que vous n'êtes pas en capacité de démontrer que l'ouverture d'une période complémentaire de vénerie sous terre est indispensable dans votre département. Je vous rappelle que la vénerie sous terre peut être pratiquée légalement de mi septembre au 15 janvier chaque année, et que son ouverture anticipée doit être justifiée par autre chose que l'envie d'un groupe de chasseurs de pratiquer une chasse de loisir avant l'ouverture générale de la chasse.
- De l’aveux même des chasseurs, la vénerie sous terre est une chasse récréative qui n’a pas d’objectif de régulation. Il y a 39 équipages dans votre département, ce qui explique certainement la pression qui est mise sur votre administration pour autoriser une ouverture anticipée de la vénerie sous terre, alors même que vous risquez une condamnation par le tribunal administratif.
- Concernant la tuberculose, contrairement aux allégations des chasseurs, l’ANSES a rappelé que la lutte contre la tuberculose bovine ne justifie pas l’élimination préventive du blaireau. La Dordogne expérimente actuellement la vaccination des blaireaux pour lutter contre la tuberculose bovine, suite au succès de ce programme en Irlande.
- Dans l'introduction de votre projet d'arrêté, on peut lire "Considérant les données relatives aux prélèvements de blaireaux démontrant qu’il n’est pas porté atteinte à la pérennité de l’espèce dans le département". Pourtant, les prélèvements ont diminué de plus de 70% entre 2016 et 2024. Dans tous les cas, on ne peut pas estimer une population par rapport au nombre d'animaux prélevés. Par contre, on voit que malgré la diminution de la pression cynégétique, il y a eu moins de 80 blaireaux tués lors de destructions administratives pour la saison 2023-2024.
- L’article 9 de la Convention de Berne n’autorise les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qu’« à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ». Pour être légales, les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux blaireaux doivent être justifiées par trois conditions, devant être cumulativement vérifiées : la démonstration de dommages importants aux cultures notamment ; l’absence de solution alternative ; l’absence d’impact d’une telle mesure sur la survie de la population concernée. L’exercice récréatif de la chasse est exclu. Or, les éléments mis à disposition des contributeurs n’apportent aucun élément pour justifier l’ouverture d’une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau. Vous ne fournissez aucune estimation sérieuse des populations de blaireaux dans le département et ne partagez aucun document pour vérifier la véracité des dégâts exposés (nature, récurrence, localisation et coûts). Par ailleurs, vous vous contentez de rejeter les mesures préventives qui pourraient solutionner les rares dommages causés par ces animaux. Dans ces conditions, rien ne justifie la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau et le projet d’arrêté est donc entaché d’illégalité.
- Vous tentez de justifier l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau par les risques de collision routière ou les dommages aux infrastructures. Pourtant, vous savez que la vénerie sous terre ne peut en aucun cas répondre à ce genre de problématique, ne pouvant pas être réalisée à proximité des voies ferrées, des routes ou des digues. Seules des solutions permettant un renforcement des ouvrages et la création de terriers artificiels permet de résoudre ces cas précis. Concernant les collisions routières, les blaireaux comme les autres animaux sauvages en sont les principales victimes. Il convient de diminuer la vitesse de circulation dans les zones concernées, et non de les tuer préventivement, ce qui est une aberration totale.
- Dans l’introduction de votre projet d’arrêté, on peut lire : « VU l’avis favorable de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage consultée par voie dématérialisée du 20 mai 2025 au 4 juin 2025». Chacun sait que ces commissions sont déséquilibrées et que les représentants d'intérêts cynégétiques y siègent en large majorité. La publication d'un compte-rendu de la CDCFS aurait permis au contributeur de savoir quelle a été la nature des débats et les éventuelles oppositions soulevées contre votre projet d'arrêté. De plus, l'avis de la CDCFS est seulement consultatif, et il est de votre responsabilité de faire respecter la loi et de ne pas céder aux chasseurs, alors que vous savez que votre arrêté sera une nouvelle fois attaqué devant le tribunal administratif.
- Je me permets de vous rappeler qu’au moment de la publication de l’arrêté final, l’article L 123-19-1 du code de l’environnement stipule qu’ « au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. » Je vous remercie donc de bien prévoir la publication d’une synthèse des avis qui vous ont été envoyés.
LES JURISPRUDENCES EN FAVEUR DU BLAIREAU :
Suite aux recours en justice déposés par les associations, les juges des tribunaux administratifs donnent de plus en plus souvent raison aux associations.
Dans leurs ordonnances, les tribunaux administratifs justifient la suspension ou l’annulation des arrêtés pour les motifs suivants :
- Insuffisance de démonstration de dégâts
- Illégalité destruction « petits » blaireaux
- Défaut de recours à des mesures alternatives à l’abattage
- Insuffisance de justifications dans la note de présentation
- Méconnaissance de l’état des populations de blaireaux
- Défaut de fixation d’un nombre maximal d’animaux susceptibles d’être prélevés
- Irrégularité de la convocation des membres de la CDCFS
- Risque sanitaire lié à la tuberculose bovine
- Illégalité de l’article R.424-5 du code de l’environnement
- Non respect de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique
- Maturité sexuelle des petits non effective
- Insuffisance de démonstration de dégâts aux infrastructures
SUR LE FOND :
- Suite aux recours des associations, de plus en plus de départements reconnaissent l'illégalité des périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau et ne les autorisent plus.
- Cette pratique, appelée « vénerie sous terre », est particulièrement barbare et cruelle. Elle inflige de profondes souffrances aux animaux puisqu’elle consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens, puis, pendant plusieurs heures, à creuser afin de les saisir avec des pinces. Les animaux, dans un état de stress très important, sont ensuite achevés à la dague.
- La vénerie sous terre met en danger les chiens qui sont envoyés dans les terriers et qui peuvent être blessés, répandre des zoonoses ou être tués par les animaux sauvages qui se défendent d’une agression extérieure. D’ailleurs, la Suisse a interdit cette pratique dans le but de protéger les chiens.
- La vénerie sous terre n’est pas sans conséquences pour d’autres espèces sauvages. En effet, une fois l’opération terminée, les terriers, souvent anciens, se trouvent fortement dégradés. Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées par arrêté ministériel et directive européenne, comme le Chat forestier (Felis silvestris) pour les départements concernés ou des chiroptères lorsque certaines espèces sont en phase d’hibernation pendant la période de septembre/octobre à fin avril : « Le Petit rhinolophe hiberne dans des gîtes souterrains (mines, caves, sous-sols ou même terriers de Renard ou de Blaireau) »source : Atlas des Mammifères de Bretagne éd. 2015.
- Le Conseil de l’Europe recommande d’interdire le déterrage : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »
À PROPOS DU BLAIREAU :
- Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies, …) et sont fortement impactées par le trafic routier.
- Inscrit à l’annexe III de la Convention de Berne, le Blaireau d’Europe, Meles meles, est une espèce protégée (cf. art. 7). A titre dérogatoire, la Convention de Berne encadre strictement la pratique de la chasse et la destruction administrative de cette espèce (cf. art. 8 et 9). Le ministère de l’écologie doit soumettre « au Comité permanent un rapport biennal sur les dérogations faites ».
- La dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible (moyenne de 2,3 jeunes par femelle et par an).
- Cette espèce n’est jamais abondante (mortalité juvénile très importante (de l’ordre de 50% la 1ère année).
- Une mortalité importante de blaireaux est liée au trafic routier.
- Les opérations de vénerie peuvent affecter considérablement les effectifs de blaireaux et peuvent entraîner une disparition locale de cette espèce.
- Les dégâts que le blaireau peut occasionner dans les cultures de céréales sont peu importants et très localisés, essentiellement en lisière de forêt. Selon l’Office National de la Chasse ONC bulletin mensuel n° 104 : « Les dégâts que peut faire le blaireau dans les cultures ne sont gênants que très localement (…) Et il suffit de tendre une cordelette enduite de répulsif à 15 cm du sol pour le dissuader de goûter aux cultures humaines. »
- En ce qui concerne les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, la régulation du blaireau a montré son inefficacité, voire même un effet contre-productif du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
- Une méthode simple et pérenne consiste à utiliser des produits répulsifs olfactifs sur les terriers posant problème, ceci accompagné de la mise à disposition à proximité de terriers artificiels. Les avantages de cette solution sont que les animaux continueront d’occuper un territoire sur le même secteur et ne permettront pas l’intrusion d’un nouveau clan. (source : LPO Alsace)