Cohabitation avec les loups : AVES s’engage au côtés d’un éleveur dans la Nièvre
28 mai 2023Cohabitation avec le loup dans la Nièvre : retour sur le partenariat avec l’éleveur
17 juin 2023Le 16 juin 2023, AVES France a remporté une nouvelle victoire contre la préfecture de l’Ille-et-Vilaine.
Le tribunal administratif de Rennes a suspendu l’arrêté du préfet d’Ille-et-Vilaine du 17 mai 2023 relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2023-2024 dans le département d’Ille-et-Vilaine, en ce qu’il autorisait une période complémentaire du 1er juin 2023 au 14 septembre 2023, et du 1er juin 2024 au 30 juin 2024.
En matière de chasse, les associations de protection de l’environnement savent qu’elles ne luttent pas à armes égales. L’influence du lobby cynégétique n’est plus à démontrer, tant sont nombreuses les préfectures qui adoptent, via leurs directions départementales des territoires, des arrêtés illégaux en toute connaissance de cause. Les associations n’ont d’autre choix que de saisir les tribunaux administratifs pour faire appliquer la loi, face à des préfectures prêtes à dépenser des milliers d’euros d’argent public en frais de justice, pour garder la face devant des fédérations de chasse toutes puissantes.
La préfecture de l’Ille-et-Vilaine est certainement le meilleur exemple des accointances qui lient les chasseurs à l’administration. Retour sur les errements d’une préfecture sous influence du lobby cynégétique.
Le 11 juin 2021, le préfet d’Ille-et-Vilaine adopte un arrêté relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2021-2022 dans le département d’Ille-et-Vilaine, après une phase de consultation du public non conforme, puisque les fonctionnaires de la direction départementale des territoires et de la mer n’ont pas jugé opportun de transmettre les informations en leur possession pour justifier l’ouverture anticipée du déterrage des blaireaux. Depuis plus de dix ans, l’administration a pour obligation de justifier ses décisions lorsque celles-ci ont un impact sur l’environnement (article L. 123-19-1 du code de l’environnement). Chaque projet d’arrêté doit-être présenté à la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), commissions régulièrement dénoncées par les associations de protection de l’environnement puisque les intérêts cynégétiques y sont sur-représentés.
Après avis de la CDCFS, le dialogue environnement se poursuit par la consultation du public. Pendant trois semaines, le projet d’arrêté est publié sur le site de la préfecture avec l’ensemble des documents permettant de justifier l’acte de chasse proposé. C’est pendant cette phase que chaque citoyen peut en prendre connaissance et donner son avis.
Dans les faits, cette phase de consultation est souvent méprisée par l’administration. Pendant de nombreuses années, elles n’ont pas respectée la phase de consultation du public, prenant même l’habitude de présenter chaque année le même arrêté, à la demande des fédérations des chasseurs.
Le 8 juillet 2021, AVES France et l’ASPAS déposent un recours contre l’arrêté relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2021-2022 dans le département d’Ille-et-Vilaine, en ce qu’il autorise une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juin 2021 au 14 septembre 2021 et du 1er juin 2022 au 30 juin 2022. L’audience n’est fixée qu’au 30 mai 2022.
Du 11 avril au 2 mai 2022, la préfecture d’Ille-et-Vilaine met à la consultation du public l’arrêté relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2022-2023 dans le département d’Ille-et-Vilaine, lequel prévoit une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 1er juin 2022 au 14 septembre 2022, et du 1er juin 2023 au 30 juin 2023. La préfecture suspectant une annulation de l’arrêté adopté le 11 juin 2021, elle a dupliqué la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau 2022 afin que les chasseurs ne soient pas pénalisés par une potentielle annulation. L’arrêté 2022 est adopté le 1er juin 2022.
Le 13 juin 2022, le tribunal de Rennes annule l’arrêté du 11 juin 2021, ce qui devrait mettre un terme à l’exercice de la vénerie sous terre, mais la préfecture a prévu le coup et les chasseurs peuvent continuer à tuer des blaireautins. Nous décidons de lancer une pétition pour dénoncer l’obstination déraisonnable de la préfecture, pétition signée à ce jour par plus de 42.000 personnes.
Nous menaçons la préfecture de déposer un nouveau recours contre l’arrêté du 1er juin 2022, puisqu’il a de nouveau été adopté à l’issue d’une procédure de consultation du public non conforme, ce qui avait valu l’annulation de l’arrêté 2021. La préfecture décide alors de lancer une consultation du public pour l’arrêté déjà adopté le 1er juin 2022. Dans l’introduction à son projet d’arrêté, on peut lire :
Considérant le vice de procédure identifié par le tribunal administratif de Rennes dans sa décision n° 2103520 du 13 juin 2022, pointant l’absence d’information mise à la disposition du public sur les dispositions relatives aux périodes complémentaires de vénerie sous terre des blaireaux ;
Considérant les exigences énoncées au II de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement portant sur la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, en particulier la nécessité d’accompagner le projet d’arrêté d’une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs du projet ;
Elle accompagne pour la première fois son projet d’arrêté d’une note de présentation contenant des éléments chiffrés sur les populations de blaireaux dans le département. AVES France, qui avait demandé dès 2020 à la préfecture la transmission de ces données, se rend compte qu’elles ont été manipulées et que les chiffres ne correspondent pas à ceux qui nous avaient été transmis. Nous relayons alors la consultation publique en dénonçant les magouilles des fonctionnaires de la DDTM35.
Alors que le recours contre l’arrêté du 1er juin 2022 était prêt à être déposé, nous considérons qu’il est inutile de le déposer, puisqu’il sera abrogé par l’arrêté en cours de consultation et qui sera adopté à l’issue de la consultation du public. Mais les mois passent, et l’arrêté n’est jamais signé. C’est la phase 2 des manoeuvres de la préfecture d’Ille-et-Vilaine.
En octobre 2022, nous envoyons un courrier à la DDTM35 via le cabinet Géo Avocats pour les enjoindre de nous communiquer le nouvel arrêté qui doit abroger l’arrêté du 1er juin 2022. La préfecture d’Ille-et-Vilaine ne nous répond que le 31 janvier 2023 pour nous informer que l’arrêté a été publié le 5 janvier 2023 au Recueil des actes administratifs.
L’arrêté encadrant la période complémentaire de vénerie sous terre du 1er juin 2022 au 14 septembre 2022, et du 1er juin 2023 au 30 juin 2023 a donc été adopté le 5 janvier 2023, soit 7 mois après l’acte de chasse qu’il était censé encadrer. Nous décidons immédiatement d’attaquer ce arrêté et de dénoncer les manoeuvres de la préfecture d’Ille-et-Vilaine… mais l’histoire ne s’arrête pas là !
Du 11 avril au 2 mai 2023, la préfecture d’Ille-et-Vilaine met en ligne la consultation publique sur le projet d’arrêté préfectoral relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2023-2024 dans le département d’Ille-et-Vilaine. Il prévoit d’abroger l’arrêté du 5 janvier 2023 contre lequel nous avons déposé un recours, tout en proposant une période complémentaire du 1er juin 2023 au 14 septembre 2023, et du 1er juin 2024 au 30 juin 2024.
L’arrêté est adopté le 17 mai 2023. AVES France décide de l’attaquer en référé afin d’en obtenir la suspension, action réalisée avec One Voice.
Le 8 juin 2023, Géo Avocats affronte la préfecture devant le tribunal administratif de Rennes. Nous plaidons l’urgence de suspendre cet arrêté et dénonçons les actions des fonctionnaires de la DDTM 35 pour permettre la mise à mort de blaireaux par les équipages de vénerie sous terre de son département.
Le 16 juin 2023, nous apprenons que la juge des référés a admis l’urgence et prononcé la suspension de l’arrêté du 17 mai 2023. La juge reconnaît “qu’au cours des années précédentes, entre cent et trois cents blaireaux ont été tués durant les périodes complémentaires de chasse régulièrement autorisées en Ille-et-Vilaine, ce qui représente de manière constante environ 90% des individus de cette espèce tués chaque année dans le département, dont une proportion significative, variant de 20 à 40%, de blaireautins.” Elle considère que le blaireau n’est pas à l’origine de dégâts importants aux cultures et aux infrastructures routières et ferroviaires. Elle dénonce aussi l’absence de données sur les effectifs de blaireaux dans le département et rejette les considérations sanitaires du préfet sur la tuberculose bovine, précisant même que la vénerie sous terre serait fortement déconseillée si la tuberculose était détectée dans le département.
Dans son ordonnance, elle motive également sa décision par le fait que l’exercice de la vénerie sous terre pendant la période complémentaire “apparaît susceptible de causer la mort de petits blaireaux, directement ou indirectement (…). Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 424-10 du code de l’environnement apparaît de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté en litige.”
Si le tribunal ne condamne pas la préfecture à nous rembourser les frais de justice, cette décision motivée est extrêmement importante et permet de mettre un terme immédiatement à la période complémentaire en cours dans le département d’Ille-et-Vilaine. Les blaireaux et leurs petits vont pouvoir vivre tranquillement jusqu’à l’ouverture de la chasse, en septembre.
AVES France remercie les membres qui, grâce à leurs dons, nous permettent de financer ces victoires devant les tribunaux.
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