Climat : 2023, année la plus chaude
11 février 2024Plan national loup 2024-2029 : un plan de chasse aux loups ?
29 février 2024Les fédérations de chasse ont pris l’habitude de se saisir de tous les sujets de société liés de près ou de loin à la faune sauvage pour se positionner comme les premiers acteurs de la biodiversité. Parmi les exemples récents, rappelons-nous l’opération des nichoirs à mésange dans les Hauts-de-France, où la Fédération régionale des chasseurs a procédé à la distribution – gratuite – de 20 000 nichoirs… en plastique ! Il s’agissait en effet de montrer que les chasseurs s’impliquaient dans la lutte contre les chenilles processionnaires, et tant pis pour le « zéro déchet » !
Et pourtant, leurs quelques actions “positives” ne peuvent masquer les intentions réelles des chasseurs : continuer à pratiquer leur loisir mortifère le plus longtemps possible et sur le plus grand nombre d’espèces, y compris les grands prédateurs.
Quand les chasseurs rêvent de chasse aux loups
En voici un exemple. Les médias ont relayé la saine colère des chasseurs de la Drôme, lesquels se plaignaient de la diminution des ongulés sauvages. Ainsi, en avril 2023, ils ont souhaité, au travers d’une motion, pouvoir abattre une centaine de loups pour la saison de chasse 2023/2024. La raison ? Ils affirment constater une forte diminution des populations de chamois, cerfs, chevreuils et sangliers. Quant au mouflon, il aurait tout bonnement disparu.
Focus sur le mouflon :
Le mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.), que l’on peut trouver dans différents massifs français (Alpes, Pyrénées, Massif central…), a en fait été introduit dans ces régions durant les années 1950, pour des raisons cynégétiques. En conséquence, c’est un animal peu aguerri face à ses prédateurs naturels.
Il faut néanmoins préciser que le comptage des ongulés est établi par les chasseurs eux-mêmes ; les chiffres sont donc extrêmement variables et ne sont pas validés par les naturalistes de terrain. D’autres raisons pourraient être avancées pour expliquer cette diminution, mais les chasseurs de la Drôme en sont certains : les 150 loups présents dans la zone sont bien les responsables !
Si nous évoquons cette anecdote aujourd’hui, c’est que ces affirmations furent relayées dans un précédent comité Loup de la Nièvre, une éleveuse n’ayant pas d’autre argument que la reprise du constat des chasseurs de la Drôme.
Comme toujours avec les chasseurs, leurs désirs sont contradictoires, alors tentons de les résumer : les chasseurs ne sont pas contre les loups, sauf quand ceux-ci « pullulent » (entendez par là, lorsqu’ils excèdent une vingtaine d’individus) car alors, les loups prédatent les grands ongulés, eux-même cibles favorites des chasseurs. Ces derniers sont pourtant obligés d’indemniser les dégâts, notamment causés par les sangliers aux cultures. Ils devraient donc logiquement apprécier le rôle des loups. Mais non, puisque le loup oblige les grands herbivores et les sangliers à se déplacer plus fréquemment. La « gestion » de ces animaux devient trop compliquée !
Rappelons également que le sanglier paie très cher son statut de “bête nuisible”. 850 000 animaux ont été tués en 2023 !
Les chasseurs ne sont pas à une contradiction près. Dans un autre article du site Chassons.com, les résultats d’une étude de l’Université de Fribourg* qui s’est intéressée aux facteurs qui affectent la population de cerfs élaphes dans une zone particulière (492 sites d’étude dans 28 pays européens) sont relayés. Seulement, leur article ne précise pas le nombre de loups en Europe, ni le nombre de chasseurs, alors qu’il aurait été intéressant de pouvoir comparer la proportion de loups et d’hommes pouvant interagir avec les cerfs (et notamment à travers les plans de chasse). L’étude ne s’est pas attachée à étudier l’impact des loups sur le comportement des cerfs, ce qui est dommage.
Mais en définitive, ce qui importe, c’est ce double discours permanent : les chasseurs se posent en concurrents des loups pour « gérer la biodiversité », mais dans le même temps se plaignent d’une hypothétique diminution de leur gibier, sans même s’intéresser à d’autres facteurs, notamment le changement climatique.
Et le lynx ?
Le 16 février, l’association de chasse de la commune de Fournets-Luisans (Doubs) a demandé à la Fédération départementale des chasseurs du Doubs d’étudier un “déclassement” du lynx, espèce pourtant protégée, au prétexte que le lynx contribue à faire disparaitre les populations de chamois et chevreuils.
Pour rappel, de 2002 à 2021, au minimum 54 lynx ont été tués par braconnage en France.
Pourtant, de l’aveu même du président de la fédération de chasse du Doubs, depuis plusieurs décennies, le nombre de chasseurs baisse dans le département. Ils sont 7500 actuellement.
Faut-il en conclure que les chasseurs, malgré leurs affirmations, n’ont aucune connaissance des équilibres des écosystèmes et de la biodiversité en général ? Leurs demandes ne sont fondées sur aucune étude scientifique valide et indépendante, mais sur leurs seules conclusions tirées de comptages effectués de manière partiale et imparfaite. De notre côté, nous continuerons d’affirmer que la chasse n’est pas l’action appropriée pour “réguler” la nature et “gérer” la biodiversité. Le maintien d’un bon état de la faune sauvage s’appuie sur une multitude de facteurs et de critères, à commencer par la place que nous voulons lui donner, la perte des habitats, l’urbanisation galopante, la place occupée par l’élevage, le tourisme, le changement climatique, la pression de la chasse et de bien d’autres encore. En tous les cas, on ne gère pas à coups de fusil !
*https://www.sciencedaily.com/releases/2024/01/240110120300.htm