AVES France à l’honneur dans le livre S’engager pour la nature de Terre Vivante
3 octobre 2024Bilan 2024 du dossier « loup »
22 décembre 2024Aujourd’hui, le loup est passé « d’espèce strictement protégée » à « espèce protégée », un affaiblissement de son statut qui pourra être lourd de conséquences.
Bien que nous tentions depuis plusieurs mois différentes actions – avec d’autres associations – pour empêcher ce vote, les États membres de la Convention de Berne sur la protection de la faune sauvage ont approuvé le déclassement de la protection du loup, pressés depuis plusieurs années par les lobbies agricoles.
La France a été particulièrement investie pour obtenir ce vote, le déclassement du loup étant un des objectifs du Plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage, ce qui est particulièrement cynique, alors qu’en même temps, pour reprendre l’expression favorite du président de la République, la Stratégie nationale biodiversité 2030 accélère l’engagement de la France en faveur de la biodiversité en proposant 40 mesures précises autour de 4 axes pour atteindre les ambitions portées par le cadre mondial de la biodiversité d’ici 2050 :
- réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité,
- restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible,
- mobiliser tous les acteurs,
- garantir les moyens d’atteindre ces ambitions.
Le Conseil de l’Europe précise que « la modification entrera en vigueur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne s’y oppose ». « Si moins d’un tiers des parties s’y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les parties qui n’ont pas formulé d’objections »
Enfin, la modification du niveau de protection ne sera pas immédiatement applicable dans l’Union Européenne. Il faut attendre l’entrée en vigueur de cet amendement dans les annexes de la convention de Berne. Ensuite seulement, l’Union Européenne sera autorisée à modifier les annexes correspondantes de la directive « Habitats ».
S’attaquer au loup n’est malheureusement pas nouveau
Fin 2022, une résolution du Parlement européen avait déjà été adoptée et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait largement appuyé cette initiative. En fait, si on prend un peu de hauteur, le loup était déjà menacé dans plusieurs pays, depuis plusieurs années :
- en Norvège, où les décisions d’abattre la moitié de la population de loups se sont succédées sur les cinq dernières années,
- en Suisse, avec la mise en place d’une « gestion pro-active » récemment,
- en Espagne, où de 2019 à 2022, la région de Castille-y-Leon avait décrété que le loup serait considéré comme une « espèce chassable »
- en France, avec un quota qui prévoit d’abattre 19% de la population de loups chaque année.
Si l’on y ajoute le braconnage exercé dans tous les pays européens, il n’est pas exagéré d’affirmer que les loups sont officieusement régulés – pour ne pas dire chassés – depuis une bonne décennie.
Cela ne suffisait pas aux différents représentants agricoles, qui souhaitent bel et bien une forte diminution des populations de loups, voire même leur éradication. La raison est simple, connue et rabâchée jusqu’à l’écoeurement : selon le monde agricole, la cohabitation serait impossible.
Malgré une diversification des moyens de protection, les éleveurs français ont, dans leur grande majorité, toujours freiné leur mise en place. Les mêmes raisons reviennent en boucle : le principe de non-protégeabilité de certains troupeaux, la méfiance vis à vis de l’Office français de la biodiversité, la remise en question de la méthode de comptage des loups, une opposition stérile et non fondée entre ruraux et citadins ou écolo-bobos, l’absence totale d’anticipation… Bref, un dialogue quasi impossible et une volonté de contrer les normes environnementales, qu’elles s’appliquent à la faune ou aux cultures.
Ce qui se passe aujourd’hui est la conséquence d’une modification profonde de notre société ; on assiste à un détricotage de toutes les législations en faveur d’une protection de la nature. On le voit bien avec les sujets des pesticides, des engrais de synthèse, de la disparition des haies, ou encore de l’accaparement d’un bien commun, l’eau, avec la réalisation de méga-bassines. Ceux qui dénoncent l’agri-bashings sont les premiers à pratiquer l’écolo-bashing et à mettre en place des actions violentes contre les associations de protection de l’environnement ou leurs autorités de tutelle.
Nous ne nions pas les difficultés du monde agricole, mais nous ne pouvons accepter comme seule réponse d’ériger la faune sauvage comme « bouc émissaire », que l’on parle du loup mais aussi de l’ours, du bouquetin, du sanglier, du corbeau, et bien d’autres… Cette fameuse « biodiversité à visage humain » qu’une minorité tente d’imposer.
Tuer les loups ne résoudra aucunement les problèmes des éleveurs, lesquels seront toujours confrontés à la concurrence étrangère, aux traités internationaux et au changement climatique. Le fossé se creuse entre le monde agricole et les citoyens, et il est à craindre que la solidarité ne s’émiette face à cette posture figée et agressive.
Les décideurs politiques ont préféré céder face aux lobbies agricoles, et refusé de prendre en compte les avis scientifiques. Nous ne baissons pas les bras pour autant et étudions toutes les solutions possibles pour continuer à protéger les loups.
© photo de couverture : Dario Pautasso – Shutterstock