Colloque à l’Assemblée nationale : Amorcer la sortie de la captivité animale en France.
26 novembre 2022Affaire Caresse de tigre : malgré la condamnation des trois prévenus, AVES France va faire appel de ses intérêts civils.
11 janvier 2023Jeudi 1er décembre 2022, l’association Paris Animaux Zoopolis et la Députée Danielle Simonnet, rapporteuse de la Mission d’application de la LOI n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, ont eu la gentillesse de nous inviter au colloque « Amorcer la sortie de la captivité animale en France » qui s’est tenu à l’Assemblée nationale.
Beaucoup d’entre vous n’ont pas pu y participer, et c’est la raison pour laquelle nous vous proposons une session de rattrapage de notre intervention.
La France est loin d’être un exemple dans la façon dont elle traite ses animaux sauvages en captivité, et c’est certainement ce qui a poussé les parlementaires de la précédente législature à adopter la LOI n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
AVES France, qui faisait parti des associations consultées lors de la Mission ministérielle sur le bien-être animal a été particulièrement investie sur plusieurs sujets :
- Les interactions avec les animaux sauvages ;
- Le rôle des parcs zoologiques ;
- L’exploitation des animaux sauvages pour le divertissement et la culture au sens large (évènements privés, boîtes de nuit, shooting photo, tournages…) ;
- Les montreurs d’ours et de loups, sujet qui fait notre spécificité.
Les interactions avec les animaux sauvages, ce n’est pas qu’à Dubaï.
En France aussi, on sépare les petits de leur mère pour en faire des objets de business. Ça nuit à leur développement, ça les expose à des zoonoses. On fait participer le public à l’imprégnation des animaux, par des activités comme le biberonnage et on fait payer cher une expérience présentée comme exceptionnelle. Les selfies se retrouvent sur les réseaux sociaux et engendrent une publicité gratuite qui font de ces jeunes animaux un produit d’appel. Chaque naissance déclenche la machine à cash et au final, ce sont des animaux qui rejoignent l’industrie du spectacle. Pour obtenir cette docilité, il faut récompenser les animaux, souvent avec de la nourriture inadaptée. Camembert et chantilly pour les fauves sur ces photos, bonbons pour les ours. Les dresseurs affirment qu’il n’y a pas d’impact sur la santé des animaux, mais c’est faux, comme nous le verrons dans la partie sur les zoos.
On fait prendre des risques aux visiteurs qui sont accueillis dans des établissements ne bénéficiant pas d’autorisations d’ouverture au public (c’est un contournement de la loi, puisque tous les dresseurs, avec la complicité d’une partie de l’administration, disent ouvrir 7 jours par an ou 14 demi-journées en toute légalité, alors que la loi dit seulement qu’à partir de ce nombre de jours d’ouverture, l’établissement entre obligatoirement dans la catégorie des établissements ouverts au public avec les règles de la directive zoo à suivre). Aucun texte ne dit qu’un établissement non ouvert au public PEUT OUVRIR 7 jours par an ou 14 demi-journées. C’est totalement faux !
En mettant le public au contact d’animaux dangereux, on crée des conditions qui pourraient entraîner des actes de maltraitance. Nous avons pu filmer une lionne se prenant un coup de pied et des frappes lors d’une visite dans un établissement mettant en contact le public avec des animaux sauvages potentiellement dangereux.
Le rôle des parcs zoologiques
AVES France ne faisait pas directement parti du groupe sur les zoos lors de la mission ministérielle, mais nous avions adressé au ministère un document dans lequel nous dénoncions l’aberration de détenir certaines espèces en captivité (comme les ours polaires, mais plus largement toutes les espèces qui ne peuvent pas être réintroduites dans le milieu naturel et dont l’intérêt de conservation est fortement discutable. Pourquoi ? Parce que la majorité des espèces disparaissent en raison de la perte de leur habitat… qui est directement liée à la progression d’une espèce invasive qui prend tout l’espace et entre en concurrence avec toutes les autres… la notre !
Si ces animaux n’ont plus d’espace pour vivre, de quel droit les condamnons-nous à une vie en captivité ? Pour un jour leur offrir des conditions d’un retour improbable à la nature ? Pour continuer à les voir quand elles auront disparu dans leur milieu naturel ?
Mettons les moyens sur la conservation in situ. De toute façon, des études récentes ont montré que la captivité avait des effets physiologiques sur les animaux et les rendait inaptes à un retour dans leur milieu naturel. L’alimentation trop riche qu’ils reçoivent en captivité modifie leur métabolisme au bout de quelques mois seulement… alors imaginez pour les espèces qui sont reproduites en captivité depuis plusieurs générations.
Pour nous, il faut arrêter l’hypocrisie et accepter de dire que les animaux sauvages sont les produits d’appel de parcs zoologiques qui se sont transformés au fil du temps en structures hôtelières, dans lesquelles les animaux sont des attractions.
Les montreurs d’ours et de loups
En amont des débats, nous avons travaillé pendant des années sur les spectacles avec des ours ou des loups. Pour les ours, nous savons combien d’animaux sont exploités et par quels dresseurs. Pour les loups, la question des hybrides rend le sujet plus délicat, puisqu’on ne sait pas toujours s’il s’agit de loups ou de chiens, ni quel est le degré d’hybridation.
La loi adoptée prévoit l’interdiction de ces spectacles dans un délai de 2 ans après sa promulgation, soit en fin d’année 2023.
Si nous avons obtenu ce délai court, c’est parce que peu d’animaux sont concernés, surtout en ce qui concerne les ours. Cela nous a permis d’obtenir des engagements de la part de structures adaptées, qui pourront assurer la prise en charge des animaux.
C’est le cas de Four Paws, qui possède plusieurs sanctuaires pour les ours en Europe, mais aussi de la Fondation pour les Ours, en Allemagne, qui gère deux parcs pour les ours, les loups et les lynx. C’est d’ailleurs le refuge qui prend soin de l’ourse Glasha (renommée Franca), qui a été saisie chez les Poliakov… Nos amis allemands prennent soin de cette ourse, confiée par la France, à leur charge.
La seule demande de ces établissements, c’est d’être prévenus suffisamment tôt pour pouvoir intégrer les animaux français dans leurs établissements, car il y a de longues listes d’attente. On n’intègre pas un ours avec d’autres ours au hasard, et c’est encore plus compliqué pour les loups qui vivent en meute et peuvent s’attaquer aux animaux faibles ou n’appartenant pas au groupe.
Nous avons alerté le ministère lors de la dernière réunion qui s’est tenue le 10 novembre 2022. Ils semblent penser que tous les dresseurs vont garder leurs animaux et qu’il n’y a pas de souci à se faire. Précisons que nous n’avons même pas de définition de ce qu’est un loup hybride dans la loi, alors que les spectacles avec des loups ou des hybrides seront interdits dans moins d’un an. Comme nous n’avons pas accès au fichier i-fap, nous n’avons aucune idée du nombre d’individus pour lesquels il faudrait trouver une structure d’accueil.
Nous insistons sur cette urgence car en finir avec les spectacles était notre souhait, mais à condition que les animaux puissent être pris en charge correctement. Ces dernières années, il y a eu plusieurs évasions de loups (Zoo des 3 vallées, Ecozonia, Parc du Gévaudan, Les Baladins de la Vallée d’Argent), ce qui prouve qu’il faut être vigilant quand en prend en charge ces animaux.
Il y a aussi l’exemple d’un ancien montreur d’ours qui a arrêté les spectacles il y a plusieurs années, mais qui a gardé ses animaux dans des petits enclos bétonnés dans son jardin en Ille-et-Vilaine. Nous ne croyons pas que ce soit l’esprit de la loi pour laquelle nous nous sommes battus de laisser ces animaux croupir chez leurs dresseurs, alors qu’ils n’auront plus de sources de revenus liés aux spectacles et que les contrôles dans ce type d’établissement sont rares, pour ne pas dire inexistants.
Un point rapide sur les statuts des élevages
- élevage d’agrément à but non lucratif, non ouvert au public (le ministère souhaite introduire la définition de l’élevage d’agrément dans la loi, ainsi que celle d’un « animal de compagnie », qui serait un animal d’espèce non domestique détenu ou destiné à être détenu par l’homme dans le cadre d’un élevage d’agrément. C’est juste aberrant !
- établissement d’élevage non ouvert au public.
- établissement ouvert au public et devant répondre aux normes des parcs zoologiques.
On pense que la majorité des dresseurs vont vouloir conserver leurs animaux avec le statut le moins contraignant, et donc l’élevage non ouvert au public.
L’exploitation des animaux sauvages pour le divertissement et la culture au sens large (évènements privés, boîtes de nuit, shooting photo, tournages…)
À l’occasion de la Journée mondiale pour sauver les ours, le 21 février 2022, le moteur de recherche Lilo.org a administré un sondage en ligne. A la question : « Faut-il interdire le recours à des animaux sauvages dressés pour le tournage de films publicitaires ou cinématographiques ? », 91% des 2881 répondants ont répondu OUI !
Le vote de la loi du 30 novembre 2021 va interdire l’exploitation d’animaux sauvages captifs dans les boîtes de nuits et lieux festifs, et les divertissements télévisuels, mais la loi ne précise rien sur les autres recours aux animaux sauvages par le milieu culturel, qui semble échapper à toute réglementation.
En effet, les spectacles avec des animaux sauvages seront interdits dans un délai de 7 ans après la promulgation de la loi, et même deux ans pour les ours et les loups, ce qui signifie que dès la fin du mois de novembre 2023, on ne verra plus d’ours et de loups dans les spectacles. Mais pourra-t-on toujours voir ces animaux dans des fictions tournées en plateau ou d’autres activités comme des shooting photos, tournages de clips, films, documentaires ou publicités, c’est la question qu’on pose aujourd’hui. On trouve par exemple, sur Facebook, une photographe qui organise des séances avec des animaux sauvages pour les particuliers. Elle recrute sur les réseaux sociaux et d’après nos informations, il faut compter 600€ par personne. Un business bien lucratif !
Mais la presse donne parfois un mauvais exemple, comme le magazine Paris Match qui avait eu la mauvaise idée d’organiser une séance photo entre Teddy Riner et l’ours Valentin. Aujourd’hui, une telle publication provoquerait certainement l’ire des lecteurs, mais rien que le fait que ce soit possible pose problème, par rapport à l’image que ça renvoie.
On voit ci-dessus l’exemple d’une agence de location d’animaux pour diverses activités très lucratives. Il n’existe pas de législation spécifique pour encadrer l’exploitation de ces animaux lors de ces activités. Ce sont parfois les mêmes animaux que ceux qui font des spectacles. Il nous semble légitime que l’interdiction des spectacles concerne également toutes les autres activités sus-mentionnées.
On a aussi l’exemple de l’ours Valentin que nous suivions lors de ses tournées dans les fêtes médiévales, et qui a tourné dans une pub pour Krisprolls en 2022. On a ici des créatifs qui ont utilisé un ours noir d’Amérique pour vanter l’origine suédoise du produit… c’est doublement un flop. Puisqu’en Suède, il n’y a pas d’ours noirs mais des ours bruns.
Mais Valentin tourne aussi dans des films comme Chocolat avec Omar Sy, des séries comme Joséphine Ange Gardien avec Mimi Mathy, des sketchs comme ceux des Kaïra, et des clips, comme celui de Wejdene ou celui de Jul où le pauvre ours est habillé avec un tee-shirt et une casquette.
On a interdit les spectacles itinérants en considérant qu’ils étaient délétères pour les animaux, mais les autres activités nécessitent pourtant le même dressage, les mêmes déplacements, les mêmes contraintes pour l’animal.
Au cinéma, on continue de faire naître des animaux en captivité pour les tournages : exemple du film King qui a été en partie tourné en images de synthèses, mais pour lequel un jeune lion a tout de même du être dressé.
La magie du cinéma n’opère pas seulement sur l’écran. Elle permet de transformer les mots pour les rendre plus acceptables par un public de plus en plus sensible à la cause animale. On ne parle donc ni de dresseur, ni de dompteur, mais d’imprégnateur ou de préparateur. Le mot imprégnateur n’existe pas dans le dictionnaire. On le trouve dans le dossier de presse du film Les Saisons de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, puis dans une fiche Wikipedia qui ne reprend que cette seule source pour justifier le sens de ce nouveau mot.
« L’imprégnation permet à l’animal de vivre sa vie sans crainte, de vaquer sans contrainte à ses occupations en ignorant l’équipe des cinéastes tout proches, à charge pour eux d’en mettre en images les plus beaux moments. Le jeune animal naît avec la peur au ventre mais aussi avec un besoin vital de contact et de chaleur corporelle. L’enjeu, pour l’imprégnateur, est de désamorcer au plus vite cette crainte atavique en prenant l’animal en charge aussitôt après sa naissance. »
Les cinéastes justifient donc le dressage des animaux pour obtenir de belles images qu’ils n’auraient pas pu tourner dans la nature. Pourtant, vous ne trouverez parfois aucune mention de dressage ou de l’utilisation d’animaux sauvages captifs au générique ! C’est pour nous une tromperie du public, qui pense voir un documentaire avec des animaux sauvages et qu’on berne en présentant des images magnifiques, mais qui ont été tournées avec des animaux captifs.
Ces animaux peuvent être les mêmes que ceux exploités en spectacle ; on pense à Mario Masson qui a créé une société de production et a essayé de se racheter une image grâce à la magie du cinéma, alors qu’il vient d’être condamnée et que ses fauves lui ont été saisis, à Frédéric Chesneau qui a désormais une véritable ménagerie à sa disposition, au cirque Kino’s de Sylvain et Désiré Rech, qui ne tourne plus depuis des années, mais a continué à se produire avec Tiby (croisement bonobo-chimpanzé) et d’autres primates exploités pour la télévision et la publicité. On pense aussi à Pierre Cadéac, célèbre dresseur pour le cinéma de Fauna et Films qu’on a vu frapper un rapace et qui est au coeur d’une enquête après le dépôt de plainte de PAZ et des révélations du média Vakita.
Le ministère de la culture devrait imposer aux sociétés de production d’inclure une mention suffisamment visible pour informer le public que des animaux sauvages captifs ont été utilisés et, à terme, obliger l’industrie à remplacer ces animaux par des séquences totalement virtuelles, mais aussi refuser de subventionner les films faisant appel à des animaux sauvages captifs.
Nous pensons que le ministère de la Culture doit soutenir le développement de technologies innovantes et participer à la création d’une base de données (Motion Capture) des mouvements d’animaux sauvages, ce qui permettrait ensuite aux studios de les utiliser en créant leurs propres personnages.
Le public, de plus en plus soucieux du bien-être animal, ne tolèrera bientôt plus que des animaux sauvages naissent en captivité pour tourner dans des films, des clips ou des publicités. Il faut donc amorcer la transition au plus vite.
Il faut profiter de la période de transition pour créer ces bases de données, en captant les mouvements des animaux sauvages avec des capteurs directement sur leur pelage, ou en leur mettant une combinaison. C’est maintenant qu’il faut s’y préparer.
Voici enfin la définition de deux termes qui ont été au centre de la construction de la loi : SPECTACLE et ITINERANT.
D’après la définition du Larousse, le théâtre, le cinéma, le music-hall sont bel et bien des spectacles itinérants, puisque d’une part ils répondent à la définition d’un spectacle, mais qu’ils nécessitent le déplacement de l’animal.
Aucune autre loi n’encadrant l’exploitation d’animaux sauvages dans le cadre de ces activités, nous considérons que l’exploitation d’animaux sauvages captifs pour la création culturelle devra être interdite en même temps que l’application de la LOI n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, soit fin 2023 pour les ours et les loups et fin 2028 pour toutes les autres espèces non domestiques.