
Intervention d’AVES France au colloque « Amorcer la sortie de la captivité animale en France »
7 décembre 2022
Chasse : un scandale de plus à l’actif du gouvernement Macron.
12 janvier 2023Courant 2019, AVES France et Four Paws travaillent ensemble sur le dossier des ours captifs, à la fois dans le cadre de la mission ministérielle sur le bien-être animal, mais également dans l’affaire Poliakov. Four Paws, qui mène une campagne internationale sur le commerce illégal de tigres a entendu parler d’une association basée en Seine-Maritime et gestionnaire d’un élevage de lions et de tigres à la Mailleraye-sur-Seine (Arelaune-en-Seine). Du côté d’AVES France, l’établissement ne nous est pas inconnu, puisqu’un reportage télévisé faisant référence à un refuge pour les grands félins en Seine-Maritime nous avait intrigué. L’établissement se trouvant à proximité du siège social d’AVES France, nous décidons d’enquêter conjointement avec Four Paws, notamment pour savoir si l’établissement serait apte à prendre en charge des félins saisis dans les cirques, dans le cas où une loi interdisant leur détention venait à être votée.
Tout commence sur internet.
Sur son site, l’association Caresse de tigre affirme qu’elle « recueille des fauves ne pouvant être pris en charge sur leur lieu de naissance (cirques, jardins zoologiques… toujours en captivité). » Nous demandons à la préfecture de la Seine-Maritime les statuts de l’association et nous rendons immédiatement compte qu’il y a un problème, puisque l’association n’y est pas décrite comme un refuge, mais a pour but « de créer le premier parc pédagogique de tigres de Normandie afin de donner la possibilité à des écoles du département de venir passer une journée au parc afin de connaître la vie des tigres leurs alimentations, leurs modes de vies , leurs reproductions en captivité et le but de leurs présence ici. » (ndr. : fautes retranscrites depuis le document déposé en préfecture).
L’association, créée en 2004, est dirigée par M. Pesut et les deux filles de Brigitte Klimond, seule détentrice d’un certificat de capacité pour s’occuper des animaux. Elle n’a cependant aucun rôle officiel dans l’association. Pour rejoindre l’association, il faut « être agrée par le bureau ou le conseil d’administration ».
En consultant internet et les réseaux sociaux, nous découvrons que le site, qui se présente comme un refuge pour les lions et les tigres issus de cirques ou de zoos, est référencé sur plusieurs plateformes touristiques, mais aussi que de nombreux visiteurs affirment, photos à l’appui, avoir été en contact avec de jeunes félins et avoir pu les nourrir, les câliner et faire des photos avec eux. Nous constatons que la presse a relayé plusieurs naissances au cours des dernières années, mais également qu’une cagnotte a été mise en ligne pour acheter un couple de lions blancs qui était déjà présent sur le site depuis plusieurs années… autant d’éléments qui nous font penser qu’il ne s’agit pas d’un refuge et que la gestion de l’établissement n’est pas conforme à ce qu’on pourrait attendre d’une structure prenant en charge de tels animaux. Nous décidons donc d’aller vérifier en personne ce qui se passe dans cet établissement.
Une première visite le dimanche 22 septembre 2019
Pour nous rendre à Caresse de tigre, nous prenons contact avec l’association via Facebook Messenger. On nous annonce d’emblée que des visites sont possibles le week-end avec une participation de 15€ par personne pour une heure. Les enfants sont les bienvenus s’ils sont sages et respectueux. On nous indique qu’il est possible de passer une dizaine de minutes avec un bébé lion pour un supplément de 50 euros par personne. On nous invite à appeler un numéro de téléphone fixe, avant de nous préciser qu’il est possible de passer un séjour au chalet, au coeur de l’établissement, en nous fournissant les tarifs en semaine ou les week-ends. Par téléphone, on nous confirme ces conditions et nous prenons rendez-vous pour le groupe de 16h.
Le jour J à l’heure H, nous découvrons les arrêtés préfectoraux placardés sur la porte du « refuge ». Il y est précisé que l’établissement n’est pas ouvert au public. Pourtant, un autre groupe nous a précédé et nous devons attendre qu’ils partent pour entrer à notre tour. Plusieurs familles composent « notre » groupe, dont des habitués qui sont déjà venus, et qui demandent des nouvelles des petits qu’ils avaient pu câliner un an plus tôt. Il leur est répondu que les lionceaux sont partis dans un refuge au Royaume-Uni, ce qui s’est révélé faux après vérification.
Les enclos des animaux sont artisanaux. L’établissement n’est clairement pas adapté pour recevoir du public. M. Pesut, qui est présent lors de la visite, nous explique qu’ils avaient commencé les démarches pour ouvrir légalement au public, mais qu’il a abandonné parce que c’était trop cher et trop compliqué. Pourtant, des visites sont organisées très régulièrement, comme nous avons pu le constater en relevant les avis de centaines de personnes affirmant avoir visité l’établissement au cours des dernières années. Nous comprenons également que la reproduction n’est pas accidentelle, puisque les animaux sont séparés et mis ensemble seulement quand ils sont réceptifs. C’est d’ailleurs toujours le même couple qui se reproduit.
Les animaux sont attirés avec de la crème chantilly ou du fromage. Plusieurs bénévoles entrent dans les cages pour jouer avec les animaux et leur distribuer des « friandises », sans qu’aucun ne soit titulaire d’un certificat de capacité. Après avoir fait le tour de l’établissement, une bénévole invite chaque famille, chacune à son tour, à entrer dans la cage des lionceaux pour les câliner et faire des photos. Ils sont la raison de la visite de la majorité des personnes présentes. Tout le groupe payera d’ailleurs cette prestation. Dans notre cas, on nous réclame même 230 euros pour avoir dépassé le temps normal, sans qu’aucun reçu ne nous soit délivré. Ce jour-là, nous n’avons pas vu la capacitaire.
Le nombre d’irrégularités relevées nous a convaincu de saisir l’administration. Aussi, après avoir alerté le ministère de la transition écologique et solidaire, nous avons été reçus par l’office français de la biodiversité, qui a enregistré une première plainte en décembre 2019. Notre but était alors simplement que le business autour de la naissance de lionceaux soit stoppé et que l’établissement soit rappelé à l’ordre pour qu’il ne permette plus de visites, puisqu’il n’était pas adapté pour cela et que l’arrêté d’ouverture établi par la préfecture était très clair sur ce point.
Caresse de tigre n’est pas un refuge, mais un établissement d’élevage dans lequel les animaux sont imprégnés en vue de rejoindre, par la suite, le monde du cirque.
Au cours de notre enquête, nous avons réalisé d’autres visites, mais avons également reçu des témoignages de visiteurs qui ont pu entrer dans la cage de la lionne Nala alors qu’elle était âgée de 5 mois et était potentiellement dangereuse. Plusieurs personnes nous ont en effet confié avoir été blessées par la lionne lorsqu’ils sont rentrés dans son enclos. Four Paws a également tourné une vidéo dans laquelle M. Pesut donne un coup de pied à Nala, puis lui donne des frappes car elle n’est pas assez docile avec les visiteurs.
Nos recherches nous ont également permis de découvrir que Simba, le lionceau que nous avions vu en 2019, a été renommé Roméo et a été confié à une artiste de cirque pour être dressé, tout comme d’autres animaux qui ont fait l’objet d’échanges avec d’autres grands noms du cirque (Mario Masson, Dumas Solovich, Frédéric Beaucousin, Frédéric Rosel, Julia Iriarte, Didier Prein…).
De son côté, l’administration a également enquêté et découvert que contrairement à ce qui nous avait été dit lors de notre première visite, les petits présents en 2018 n’avaient pas rejoint un refuge au Royaume-Uni, mais ont été cédé à des circassiens. Pour nos associations, c’était la preuve que Caresse de tigre n’est définitivement pas un refuge, mais un établissement d’élevage dans lequel les animaux sont imprégnés en vue de rejoindre, par la suite, le monde du cirque.
L’enquête a aussi montré que l’association n’avait aucun fonctionnement démocratique. Pas de comptabilité, pas de bilan des actions menées, pas de comptes-rendus de réunions… et des collectes qui versées sur le compte de la capacitaire au lieu de l’être sur le compte de l’association. L’administration n’a pas souhaité suivre la piste financière, considérant que les époux ne se sont pas enrichis personnellement. Nous considérons toutefois que ce manque de transparence, tant sur la gestion de l’association que sur les réels buts de l’établissement Caresse de tigre, sont de nature à tromper le public, qui venait voir des animaux en pensant réellement soutenir un refuge.
Un verdict qui ne peut pas nous satisfaire
Lors des réquisitions, la procureure a tenté d’expliquer aux prévenus que ce qu’ils avaient fait était grave et pénalement répréhensible, et qu’ils devaient être condamnés pour cela. Toutefois, elle s’est montrée clémente en demandant des peines assorties de sursis, afin que les animaux, toujours présents sur le site, ne soient pas pénalisés par une amende de plusieurs milliers d’euros. Elle a toutefois insisté sur l’interdiction de faire visiter le site, y compris à des amis.
Finalement, la juge a suivi ces réquisitions en condamnant les prévenus à des peines assorties de sursis.
L’association Caresse de tigre, en tant que personne morale, a été déclarée coupable et condamnée à 8000€ d’amende avec sursis.
M. Pesut a été reconnu coupable et condamné à une amende de 4000€ avec sursis.
Mme Klimond a été reconnue coupable d’exploitation illégale de son établissement et condamnée à 5000€ d’amende avec sursis et à une contravention de 1000€ avec sursis.
Ainsi, le tribunal correctionnel de Rouen a reconnu que les faits étaient graves, puisque les peines cumulées représentent la somme de 18.000€, ce qui a pour but de dissuader les responsables de l’association de commettre de nouveaux délits.
Malgré son implication dans l’enquête et les nombreux éléments que nous avons pu transmettre à la justice, AVES France a été déclarée irrecevable en tant que partie civile, tout comme One Voice et l’association Robin des Bois.
Nous avons décidé d’interjeter appel car nous trouvons anormal que notre association, eu égard aux éléments qu’elle a pu fournir à la justice, soit rejetée, alors que des condamnations ont été prononcées. En nous déclarant irrecevable, le tribunal ne reconnaît pas notre travail, alors que c’est notre plainte initiale qui a permis de révéler les agissements illégaux de l’association Caresse de tigre. Il nous condamne également à supporter seuls les coûts de cette enquête et les frais de justice. Cette décision est injuste et c’est la raison pour laquelle nous ferons appel de cette décision.