C’est avec joie et une émotion très forte que nous venons d’apprendre la suspension de l’arrêté du 20 juillet 2020 qui devait permettre la destruction de 1430 renards en Seine-Maritime par les lieutenants de louveterie.
Dès la publication du projet d’arrêté, nous sommes nombreux à nous être opposés à la persécution des renards, alors que nous considérions que la préfecture n’apportait aucun argument pour justifier ce massacre. La consultation publique, très relayée dans les médias et par les associations, s’était terminée par 75% d’opposition au projet d’arrêté (2468 avis sur 3300 déposés). Malgré cela, la préfecture avait maintenu son arrêté, pris à la demande des lieutenants de louveterie, principalement pour protéger leurs perdrix.
Quelques jours après la publication de l’arrêté, une mobilisation a été organisée devant la préfecture de Seine-Maritime pour s’opposer à l’abattage des 1430 renards. Des recours ont ensuite été déposé devant le tribunal administratif.
Chez AVES France, nous croyons dur comme fer à l’action collective. Nous avons donc travaillé avec l’ASPAS, le Groupe Mammalogique Normand et la LPO Normandie et avons mandaté le cabinet GEO AVOCATS pour qu’il dépose un recours commun et un référé-suspension. En coulisse, nous avons travaillé également avec le collectif Renard Blaireau et d’autres acteurs de la protection de la nature pour réunir un maximum d’arguments pour éviter l’abattage des renards.
Notre audience a eu lieu le mercredi 2 septembre à 15h30 au tribunal administratif de Rouen. Dehors, les associations locales et nationales, mais aussi plusieurs partis politiques (parti animaliste, EELV, REV…) étaient rassemblés pour soutenir notre action.
Le juge des référés a donc décidé de suspendre l’abattage des renards pour, notamment, les raisons suivantes :
Pour justifier de l’urgence qui s’attache à la suspension de l’exécution de l’arrêté attaqué, les associations requérantes soutiennent que cet arrêté prévoit des mesures supplémentaires d’abattage de 1 430 renards par des tirs nocturnes sur une période prolongée, alors que le renard fait déjà l’objet, en tant qu’espèce susceptible d’occasionner des dommages, d’une régulation avec la possibilité d’installer des pièges et de le déterrer toute l’année, de pratiquer des tirs d’été et de le chasser pendant les périodes réglementaires. Le préfet fait valoir que la population de renards s’est accrue en 2019 et pendant le premier semestre de l’année 2020. Toutefois, il ressort d’une étude de la société NaturAgora Développement, produite par le préfet, que la densité moyenne de renard calculée d’après la méthode de l’Indice Kilométrique d’Abondance (IKA) était stable dans le département de la Seine Maritime entre 2016 et 2018. Cet indice a certes augmenté en 2019 par rapport à l’année précédente, de 0,59 à 0,67 par kilomètre carré, mais il reste nettement inférieur à la densité moyenne sur le territoire national, qui s’établit à un renard par kilomètre carré selon la brochure de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage versée au dossier. En outre, d’après une étude publiée en 2020 dans la revue Biological Conservation, quatre ans d’abattages intenses en France n’ont pas permis de réduire les populations de renard, ce que confirme la brochure de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qui indique que des prélèvements importants ont un impact généralement compensé très rapidement. Si le préfet se prévaut des conséquences de l’interruption de la régulation pendant la période de confinement, il ne donne aucune précision chiffrée sur l’augmentation de la population des renards qui pourrait en résulter. Par ailleurs, le préfet invoque dans ses écritures en défense un risque sanitaire accru. Or, l’étude de 2020 ci-dessus mentionnée constate au contraire une propagation plus importante de certaines maladies telles que l’échinococcose alvéolaire pendant les périodes d’abattages intenses. Un relevé épidémiologique du 29 novembre 2019 de l’Organisation mondiale de la santé relève d’ailleurs le caractère inefficace de l’abattage des renards dans la prévention et la lutte contre cette maladie. Enfin, le préfet n’apporte aucun élément probant au soutien de son allégation selon laquelle l’évolution récente de la population de renards dans le département mettrait en danger le petit gibier. Dans ces conditions, eu égard à l’importance des mesures d’abattage supplémentaires prévues par l’arrêté attaqué et à la circonstance que cet arrêté a reçu un commencement d’exécution, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie.
Bien sûr si cette décision est une victoire, le renard reste considéré comme nuisible (Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts) et peut être piégé et chassé presque toute l’année. Nous restons donc mobilisés pour les renards et les blaireaux et espérons que d’autres actions collectives se solderont par de nouvelles victoires.