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18 octobre 2019On ne va pas se mentir : on ne fait pas parti des gens qui sautent de joie quand on nous annonce une sortie dans un cirque avec animaux. D’ailleurs, si AVES France connaît bien le sujet des spectacles de montreurs d’ours, nous avons volontairement laissé celui des cirques exploitant des animaux à des associations qui gèrent très bien ce dossier, et notamment nos amis de Paris Animaux Zoopolis. Pourtant, quand j’ai vu les affiches du cirque Ethan et Shanly Seneca qui venait de s’établir pour quatre jours à Bihorel, juste au-dessus de Rouen, je me suis demandé si je n’avais pas rêvé. Quelques mètres plus loin, d’autres affiches (posées bien entendu illégalement, comme c’est toujours le cas à Bihorel, dont le maire semble méconnaître le code de l’environnement) me confirment que je n’ai pas la berlue… il s’agit bien d’une hyène. Je passe mon chemin en me disant : “encore un cirque qui arnaque son public en mettant sur ses affiches des animaux totalement improbables.”
Le lendemain, cette histoire de hyène dans un cirque me turlupine… un rapide coup d’oeil sur les réseaux sociaux et je découvre que ce cirque possède bien une hyène. Interloqué, je demande à Paris Animaux Zoopolis s’ils ont besoin d’images récentes de ce cirque et s’ils souhaitent que j’aille voir comment y sont traités les animaux. C’est acté ; j’assisterai à la prochaine représentation… N’étant pas spécialiste des cirques, ce compte-rendu n’est qu’un résumé de mon “expérience client” suite à cette représentation… interminable !
De très nombreux animaux pour un “Spectacle Pédagogique pour la protection & la conservation des ANIMAUX SAUVAGES”
Au centre de l’affiche, la mention “Spectacle Pédagogique pour la protection & la conservation des ANIMAUX SAUVAGES” est entourée, avec pour sous-titre “Au Cirque tous nos ANIMAUX sont nées en CAPTIVITES“. D’abord je souris en me disant : “comment peut-on parler de spectacle pédagogique quand il y a deux fautes d’orthographe dans un texte aussi court ?” Bon… passons… même si le dresseur affirmera plus tard lors de la prestation qu’il faut un BAC +5 pour devenir capacitaire, il n’a pas dit qu’il fallait être agrégé de littérature.
J’arrive une heure avant le début du show. Les animaux sont dehors, sur le parking, et les employés s’activent pour ramasser les excréments et déboucher le caniveau. Les camélidés, chevaux, poneys et autres herbivores sont installés dans le vaste parc de la ville, sous des arbres et sur de l’herbe fraîchement lubrizolées (rapport à l’incendie de l’usine Lubrizol du 26 septembre 2019). Les fauves ne sont pas accessibles au public. Les trois lions, deux lionnes et la hyène patientent dans le camion qui sert à les transporter.
De nombreux parents ont emmené leurs enfants pour voir les animaux exotiques sur lequel le cirque mise pour faire venir le public.
Devant la billetterie, les premiers clients attendent avec des prospectus à la main, leur garantissant une place enfant gratuite pour deux places adultes achetées.
Prise du billet et premier tour de passe-passe !
15h45 : 15 minutes avant l’heure du spectacle, la billetterie ouvre.
Une affiche indique que la machine à carte bleue est en panne et qu’il faut régler en espèces ou par chèque.
Contre mes euros, je reçois deux places pour le “Cirque de Montréal”… Tiens, bizarre… ce n’est pas la bonne enseigne ! Pour rentrer sous le chapiteau, on me confisque mes billets. Voilà qui pourrait expliquer pourquoi au ministère de la transition écologique et solidaire, on déplore que “même Bercy n’ait pas de données fiables sur les cirques”. Pas de billet, pas de reçu, de l’argent liquide… je me demande naïvement si le prix de mes places sera déclaré au fisc.
Petit à petit, le public prend place sous un chapiteau à la toile si usée qu’elle est déchirée un peu partout. Un enfant grimpe sur un banc qui cède sous son poids. Sur la piste, tout est prêt pour accueillir les fauves.
16h20 : Avec 20 minutes de retard, le spectacle commence.
Teddy Seneca entre dans la cage circulaire, se signe, avant d’être rejoint par ses trois lions et ses deux lionnes. Après quelques minutes de spectacle, je remarque un lion, gueule grande ouverte. Il semble avoir du mal à respirer. Je le filme en hyper-ventilation 4 minutes seulement après le début du show et il ne réussira pas à reprendre son souffle jusqu’à la fin de sa prestation (16h38). Est-il malade ?
16h56 : Il a fallu 20 minutes pour démonter la cage circulaire suite au numéro de domptage des lions, 20 longues minutes pendant lesquelles le très jeune fils du dresseur, déguisé en clown, souffle dans un sifflet et demande au public d’applaudir. La hyène n’a pas été présentée et ne le sera pas. Est-elle malade ? N’est-elle qu’un appât pour attirer un public intrigué par la présence de cet animal particulièrement rare sous les chapiteaux ? Nous ne le saurons pas. La seule allusion à la hyène qui est faite durant le spectacle vient du dresseur qui explique avoir essuyé un refus lorsqu’il a voulu importer un mâle pour sa hyène femelle. Ouf ! Mais alors… que fait cet animal dans ce cirque ? L’arrêté du 18 mars 2011 précise pourtant dans son article 9 :
I. – Seuls des animaux d’espèces non domestiques participant aux spectacles peuvent être détenus dans les établissements visés par le présent arrêté.
III. – Les animaux ne peuvent pas participer aux spectacles si :
‚Äï leur état de santé ne le permet pas ;
‚Äï le type de participation est susceptible de nuire à leur état de santé ;
‚Äï la sécurité du public et du personnel ne peut être assurée, en raison notamment de leur comportement ou de l’insuffisance de leur maîtrise.
IV. – Les animaux malades doivent être soustraits de toute présentation au public même en dehors des spectacles.
S’ensuivent 4 minutes de jonglage par Teddy Seneca, puis un numéro de dressage d’animaux de la ferme par sa jeune fille de 8 ans, déguisée en princesse.
17h15 : c’est l’entracte. Le public est invité à acheter des bâtons lumineux ou des popcorns pour financer les soins et la nourriture de tous les animaux. La fille du dompteur refait son apparition sur un poney. Contre 2€, les enfants peuvent grimper sur le poney. Le chapiteau se vide de moitié alors qu’une dizaine d’enfants fait la queue pour monter sur ce pauvre animal.
17h40 : un artiste local propose un numéro de diabolo, puis quelques figures avec des chaînes enflammées.
17h43 : Teddy Seneca refait son apparition avec des poneys, qui courent autour de la piste. Puis c’est le tour des chevaux…
17h56 : les camélidés font leur entrée. Le fouet claque “dans l’air” et les camélidés marchent, valsent, trottent, s’agenouillent… Après avoir fait défiler tous ses animaux séparément, en perdant son public dans un long et fastidieux discours où il se pose en victime tout en dénonçant les associations comme 30 millions d’amis, Teddy Seneca réalise un sketch avec son fils. Sa fille fait une démonstration de hula hoop.
18h30 : Le spectacle touche enfin à sa fin. Une dernière fois, on nous explique que sans les animaux, il n’y a pas de cirque. Les animaux font une dernière apparition, réunis sur la piste et présentés comme l’Arche de Noé de la famille Seneca. Le public se lève avant même la fin du numéro. Une bande son rappelle que par respect pour les artistes, il leur est demandé de ne pas quitter le chapiteau avant la fin du spectacle. La bande son enchaîne sur un discours sur la beauté du cirque, sa magie, ses paillettes. Un monde féérique bien éloigné de ce chapiteau qui tombe en ruine et du spectacle auquel je viens d’assister. Pas de magie, pas de paillettes, pas même d’éclairages pour mettre en valeur des numéros vus et revus et mal maîtrisés. Je sors du chapiteau en me disant que ce cirque ne survivra pas lorsqu’enfin la France interdira l’exploitation des animaux pour le divertissement. Seuls les cirques proposant des numéros originaux et de qualité continueront d’attirer du public.
Si on retire les exhibitions d’animaux du “spectacle” et les prestations des enfants du circassien, il ne reste sur 2 heures de représentation qu’un numéro de jonglage et une performance de diabolo… pas de quoi attirer les foules. Ce constat est triste car les circassiens savent que l’interdiction des animaux dans les cirques est inéluctable et imminente, mais ils refusent de voir la réalité en face. J’ajouterais que j’ai trouvé particulièrement pathétique que Teddy Seneca s’annonce lui-même en parlant de lui à la troisième personne avant d’entrer sur scène.
Après la publication de la vidéo des lions sur la chaîne Youtube de Paris Animaux Zoopolis, où nous nous interrogeons sur l’état de santé de cet animal, Teddy Seneca nous a menacé de poursuites. En attendant, la hyène attend son repas… avec pour seul horizon… des barreaux.