Roumanie : la révolte des bergers qui protègent leurs troupeaux !
18 décembre 2015Consultation publique : ne laissons pas Ségolène Royal tuer encore plus de loups !
13 février 2016Du 16 au 31 janvier 2016, 3 membres de l’association sont partis ‚Äî à leurs frais évidemment ‚Äî en Equateur. Nicole Soteau et Pascal Leroy m’ont accompagné dans cette expédition à laquelle nous rêvions depuis des mois. L’instabilité du volcan Cotopaxi l’été dernier nous avait conduits à oublier ce voyage, mais son calme retrouvé nous a convaincus que nous devions y aller. L’Equateur n’est pas seulement le pays des volcans, même si une dizaine d’entre eux culmine à plus de 5000 m d’altitude. C’est aussi le pays de l’ours à lunettes et du tapir des montagnes, dans la cordillère des Andes, et celle de la jungle, de sa faune et de sa flore luxuriante, pour sa partie amazonienne.
Nous nous sommes donc concocté un programme varié pour ces deux semaines en Equateur, avec deux impératifs :
- visiter le refuge AmaZOOnico en Amazonie, la première semaine
- marcher sur les traces de l’ours à lunettes et du tapir avec Armando la seconde.
L’Equateur est un pays socialiste depuis l’élection du Président Correa en 2007. Alors qu’ils l’ont acclamé les premières années, les Equatoriens que nous avons rencontrés sont nombreux à attendre les élections de 2017, déçus par l’absence totale de soutien du gouvernement aux projets écologistes. Au mieux les associations ne sont pas soutenues, au pire on leur met des bâtons dans les roues. J’en ris en répliquant qu’en France, le gouvernement nous ignore. Mieux vaut-il être détesté ou méprisé… telle est la question !
C’est donc grâce aux soutiens étrangers que les associations équatoriennes peuvent agir. Raison de plus, pour nous, d’expliquer ce que nous avons vu sur place afin de convaincre le public français de les aider.
Semaine 1 : refuge pour animaux sauvages AmaZOOnico.
C’est Morgane, qui travaillait chez Lush quand nous l’avons rencontrée, qui nous a fait connaître ce refuge. Morgane a été bénévole à deux reprises au refuge et est rentrée de ses missions avec la ferme intention de faire connaître leur travail. Et on peut dire que quand Morgane veut quelque chose, elle s’en donne les moyens !
Elle a organisé une Charity Party dans la boutique Lush dans laquelle elle travaillait pour collecter des fonds pour le refuge, elle a mis en ligne un blog pour relayer en français tout ce qui se passe là-bas, elle nous a convaincus de les soutenir et de recruter des bénévoles pour eux, et a même réalisé des objets artisanaux qu’elle vendait lors d’apéros solidaires.
Bref, toutes ces actions nous ont permis d’envoyer 3500 € en 2015 au refuge.
Nous sommes arrivés le lundi 18 janvier 2016 à Puerto Barantilla, après une route aux paysages variés traversant Quito, Papallacta (3300 m d’altitude), Baeza et Tena (598 m d’altitude). Jamais je n’avais vu des bambous aussi grands !
A Puerto Barantilla, il faut changer de mode de transport. On abandonne la voiture pour une pirogue. Il n’y a pas de route où nous allons et c’est tant mieux !
Nous souhaitions vivre à proximité du refuge AmaZOOnico et avions deux possibilités : réserver un lodge au Liana Lodge, plutôt luxueux, ou opter pour les éco-lodges Runa Huasi, qui offrent un hébergement plus authentique, sans téléphone ni électricité… ni eau chaude. Une plongée au coeur de la forêt amazonienne, sans fioritures : une cabane en bois et en bambous, des moustiquaires à la place des fenêtres, une magnifique terrasse et son indispensable hamac, et surtout une bougie pour voler quelques heures à la nuit. C’est quand Morphée nous enlève que le concert des insectes joue sa symphonie. Ils doivent-être des milliers, alors que nous n’en croisons pas la journée. Quelques geckos s’amusent sur les murs, une grenouille passe sous la porte. Tout ce petit monde vit autour de nous sans nous perturber… pas plus la tarentule qui a pris ses quartiers dans l’espace repas.
La responsable du refuge s’est absentée pour quelques jours, mais elle a tout organisé pour nous. Nous rencontrons Gaby. Elle est bénévole pour AmaZOOnico depuis quelques mois et elle connaît le refuge sur le bout des doigts. Elle sera notre guide pour la journée. Nous la suivons dans ses missions. Elle nous présente les pensionnaires les uns après les autres. Elle nous conte leurs histoires et diverses anecdotes. « Elle, c’est Trumpy, elle accompagne les groupes partout. Là c’est un groupe de singes araignées sauvage qui vit à côté du refuge. On reste à proximité des tapirs quand ils mangent pour éviter que des singes puissent venir leur voler leur nourriture. » Bref, Gaby travaille dur ici, mais on voit que malgré la fatigue liée aux journées chargées, elle aime donner son temps à ces animaux. Elle a appris à les connaître. Sait leurs préférences et leurs habitudes.
Nous observons, discutons, scrutons, dialoguons. Les bénévoles partagent leur repas avec nous. Ils sont tous jeunes et en pleine santé. Tous motivés. Ici le casting doit-être particulièrement bien fait, car il n’est pas question de recevoir des gens qui pourraient prendre cette expérience pour des vacances. Il faut nettoyer les enclos, préparer la nourriture des animaux, porter de lourds seaux à travers le refuge, participer à la vie communautaire, mais aussi recevoir les touristes et savoir leur présenter les lieux en plusieurs langues différentes.
Gaby nous présente l’enclos des singes tamarin qui a été rénové grâce aux fonds que nous avons envoyés. Nous comprenons que le soutien des associations étrangères est important car le refuge ne bénéficie d’aucune aide du ministère. Certains animaux resteront pour toujours au refuge. D’autres sont destinés à être relâchés. C’est la raison pour laquelle Gaby insiste sur l’importante de limiter les contacts avec les animaux ; il est même demandé aux touristes de ne pas parler aux aras afin de ne pas les stresser. Belle philosophie !
Le lendemain, nous parcourons la jungle avec un garde de Selva Viva. Il nous fait découvrir la flore qui est luxuriante ici. Des feuilles de près de deux mètres, des arbres majestueux, des arbres qui saignent et qui soignent. Nous passons de la forêt secondaire à la forêt primaire et vice-versa. Dans la première, on exploite le cacao, le café, des racines. Dans l’autre, la protection est totale. Le milieu est fermé, notre guide use de la machette pour nous frayer plus facilement un chemin. Au-dessus de nous, on entend un toucan, que nous apercevons furtivement. A travers une trouée, des paysages à couper le souffle, avec une brume qui s’échappe des arbres. Chez nous, le smog. Ici, le cycle de la vie. Il nous présente sa famille, nous offre une banane. Leur vie est modeste, mais il est fier de participer à la conservation de la nature. C’est sa mission. Sa vie. On sent qu’il aime son travail, même s’il aimerait un peu plus de reconnaissance de la part des politiques de son pays.
Pour notre dernière soirée en Amazonie, nous décidons de faire du bird watching en pirogue, à la tombée de la nuit. Nous sommes au milieu du rio Arajuno et remontons vers le Rio Napo. J’ai l’impression de remonter les Champs-Elysées. Sauf que de chaque côté de nous, ce ne sont pas des briques ou du béton, mais de la végétation à perte de vue, des arbres si beaux, si grands, des lianes, des fleurs, une flore plus riche que toute celle que j’ai pu observer jusqu’à ce jour. Sur la berge, une loutre à longue queue se cache à notre passage et des singes nous saluent depuis les cimes des arbres. Dans le ciel, des caracaras huppés, des perruches, des aras bleus et des hoazins huppés. Je suis ému par le spectacle qui s’offre à mes yeux et ne peut m’empêcher de penser que dès le lendemain, nous devons quitter cette merveilleuse région du monde. L’Amazonie est un écrin dans lequel tout mérite d’être protégé : la faune, la flore, les gens qui y vivent. Pour cela, une fois de plus, il faut éduquer. Cela me rappelle la détonation que nous avons entendue un matin. Même au coeur de la jungle, une détonation est violente et pose des questions. On nous a appris que certains ici continuent à pêcher à la dynamite. Alors oui il faut éduquer. La dynamite, en plus d’être dangereuse pour celui qui la manipule, détruit tout. Il faut donc éduquer ces gens, c’est évident, pour faire disparaître ce genre de comportement.
Notre remontée vers Papallacta se fait par la route des volcans. Il fait sacrément beau alors que janvier est réputé pour être la saison humide. Pour nous, c’est agréable. Nous pouvons marcher en altitude sans trop nous couvrir et surtout bénéficier de vues exceptionnelles sur les cratères. Un soir de lune rousse, alors que nous observons le Cotopaxi dont les neiges sont recouvertes de cendres, un colibri fait son apparition. Ce pays a quelque chose de magique !
Semaine 2 : condor, tapir de montagne et ours à lunettes.
Je n’avais jamais rencontré Armando. Pourtant, nous soutenons Andean Bear Foundation depuis longtemps. Je connais son travail (pour lequel j’ai une grande admiration), nous échangions régulièrement par mail, mais nous ne nous connaissions pas. Parfois on est déçu des gens que l’on admire. Oh, beaucoup m’ont déçu, même ! Mais pas Armando. Cet homme là a deux visages : l’un sérieux et parfois grave quand il parle de son travail et l’autre souriant quand sa mission est terminée. Même si mon expérience de vie en Roumanie m’a appris à relativiser beaucoup de choses, je pense avoir encore, moi-aussi, ces deux facettes. Parfois sérieux et grave ; parfois léger et drôle. Et toujours une forme d’exigence envers soi.
Armando commence par un briefing pour nous expliquer son travail. Il nous présente le tapir des montagnes et l’ours à lunettes. Son approche est scientifique. On sent l’homme de terrain. Alors que j’ai toujours lu dans de nombreux ouvrages que l’ours à lunettes est un ours plutôt arboricole, qui mange principalement des végétaux et qui est plutôt calme, Armando passe en revue sa présentation jusqu’à nous montrer la vidéo d’une vache agonisante après qu’un ours lui ait arraché la chair entre les omoplates. Personne n’y croyait, mais le cas s’est répété. Les traces sur les cadavres des animaux sont caractéristiques : on voit les griffes de l’ours, l’endroit où il s’est accroché jusqu’à faire tomber sa proie. Armando nous explique qu’on connaît très mal les animaux qu’il étudie. Que ce soit l’ours ou le tapir ! D’ailleurs, il me demande comment on appelle Andean Bear en France. « Ours à lunettes, je réponds. » Il me rétorque que pourtant, certains ours n’ont pas de lunettes. Certains sont entièrement noirs !
Il nous montre aussi ses relevés GPS. Plusieurs animaux sont équipés. Nicole me demande pourquoi Armando souhaite en équiper d’autres ? « Sylvie n’aime pas ça ! » ajoute-t-elle. C’est vrai qu’au sein de l’association, nous avons déjà eu des débats sur l’utilité d’équiper les animaux sauvages. Mais pour moi, la démarche d’Armando a un sens.
Si je ne vois pas l’intérêt de suivre des ours bruns en France, car c’est une espèce qui a largement été documentée et qu’un suivi serait seulement du flicage pour surveiller les zones de fréquentation, la démarche d’Armando est toute autre.
Suivre les ours à lunettes permet d’en apprendre plus sur cette espèce encore mal connue. Cela permet d’étudier leurs habitudes, leurs territoires, les interactions avec les activités humaines (et notamment l’élevage)… Chez nous, on dit que l’ours est actif surtout à l’aube et au crépuscule. Les relevés d’Armando ont permis de montrer que l’ours à lunettes est actif en journée ! Il fréquente des altitudes autour de 4000 mètres. Son régime est omnivore et son alimentation se compose surtout de végétaux (chusquea ‚Äî une sorte de bambou, des coeurs de palmiers, la base tendre des huaycundos, des puyas, des airelles… parfois du maïs ou du maïs doux. Armando partage ses découvertes avec les spécialistes internationaux des groupes ours et tapirs.
Sur le terrain, Armando est secondé par Melchor. Melchor est Kichwa. Il était garde forestier. Il a longtemps utilisé ses chiens pour tuer des ours et des tapirs. Mais un jour, il a rencontré Armando. Armando lui a appris à apprécier les ours et les tapirs vivants. C’est quand ils ont capturé les premiers ours et tapirs pour les équiper de colliers émetteurs qu’Armando a demandé à Melchor de poser ses mains pour les toucher, sentir leur coeur battre. Ces instants ont transformé Melchor, qui est devenu, de l’aveu même d’Armando, plus écologiste que lui ! « Il a converti sa famille, milite contre l’abandon des déchets dans la nature. L’ours lui a tué 4 vaches. Il l’a pris avec philosophie, en disant qu’il valait mieux que l’ours attaque ses vaches plutôt que des tapirs, qui eux sont menacés. » Melchor est incroyable. Il ne marche pas, il vole ! A plus de 4000 mètres d’altitude, il grimpe des collines et des montagnes sans presque jamais s’arrêter, antenne télémétrique au poing, dans l’espoir de voir, d’apercevoir, ceux qui sont devenus, avec le temps, ses protégés.
Armando m’avait prévenu à l’avance : « c’est garanti, tu verras des ours et des tapirs ». Moi… j’en ai vécu des affûts. J’ai aussi été guide. Je sais que rien n’est jamais garanti. Des heures d’affût pour rentrer bredouille, j’ai connu… surtout avec l’ours ! Alors…
Pendant le dîner, Armando devient grave et m’annonce qu’il a une mauvaise nouvelle à m’annoncer. Cosanga, la petite ourse pour laquelle il s’est tant battu afin qu’elle retrouve sa liberté, est morte. Elle a été tuée par un ours mâle, qui a probablement souhaité s’accoupler avec elle. Mais Cosanga était trop jeune. Elle n’a pas su se défendre. Il s’est inquiété quand il a vu son signal fixe pendant plusieurs jours. Je le sens atteint par cette nouvelle et ne montre pas mon émotion. J’essaye de le rassurer, ce sont des choses qui arrivent, la nature est parfois cruelle. Mais je ne regrette rien ! Au moins nous avons essayé et nous avons évité à Cosanga une vie peut-être longue mais si pénible en captivité. Armando me confie qu’il essaye de convaincre les autorités de ne plus prélever systématiquement les jeunes ours qui semblent abandonnés. Parfois leur mère peut avoir pris peur et revenir les chercher. La réhabilitation est compliquée car il faut éviter au maximum l’imprégnation humaine, ne pas rendre les oursons dépendants. Le choix du sauvetage d’un ourson doit toujours être le fruit d’une décision mûrement réfléchie.
Jour 1, Armando a appris qu’un tapir a été trouvé mort près d’un ruisseau. Il souhaite savoir pourquoi il est mort, mais le corps de l’animal est trop loin. Il ira le lendemain matin sans nous. Il souhaite que nous gardions nos forces pour gravir la montagne et tenter d’observer l’ourse Rebecca. Il fait beau. Exceptionnellement beau et chaud pour la saison. Armando nous dit que c’est la première fois qu’il marche sans manteau en cette saison. Le relief est important et il nous faut descendre des pentes raides avant de regrimper des collines pour tenter d’observer l’ourse, dont le signal nous indique qu’elle est à proximité. La progression dans les graminées hauts de 1,5 à 2 mètres est difficile et mes compagnons de voyage souffrent un peu de l’altitude. Armando et Melchor font leur maximum pour localiser l’ourse, mais elle avance plus vite que nous. Elle est déjà sur l’autre versant. Après plusieurs heures de recherche, nous nous avouons vaincus.
Le lendemain, nous partons sur les traces de Panchita, une femelle tapir des montagnes. Armando et Melchor ont débuté leur journée à 6h du matin pour voir le cadavre du tapir mort, mais ils n’ont rien pu apprendre sur les causes du décès, l’état de décomposition étant trop avancé. L’étude des animaux sauvages n’est pas un long fleuve tranquille ! A leur retour, nous partons vers le paramo. Melchor part avec l’antenne télémétrique et nous prenons un chemin moins escarpé avec Armando, qui essaye de s’adapter au maximum à notre rythme. Il communique avec Melchor par radio afin de maximiser nos chances d’observation. Aujourd’hui il fait encore plus beau et chaud. Pas un nuage à l’horizon. Nous observons les volcans Antisana, Cayambe et même le Cotopaxi. Armando est surpris… en tee-shirt, en janvier, avec une vue sur le Cotopaxi. C’est tellement étonnant ! Le changement climatique est perturbant pour tout le monde. Nous n’observons aucun animal. Il n’y a ni lapins, ni rapaces, ni cervidés. Rien ! J’analyse cela par la chaleur. Chez nous aussi les animaux se cachent par ces températures ! Imaginez ! 26¬∞ à 4000 mètres d’altitude ! Même si la faune est absente, les paysages sont somptueux, éblouissants ! Armando nous montre les végétaux consommés par des tapirs et les ours dans cette zone. Nous atteignons un endroit creusé dans la montagne et Armando s’y assoit : « C’est le nid, bienvenus dans mon bureau ! dit-il en riant ». Il contacte Melchor qui lui indique que le signal de Panchita est sur l’autre versant. Nous reprenons nos affaires et grimpons sur une grande colline. Panchita est dans la forêt, en face de nous, et nous devons attendre qu’elle en sorte pour la voir.
Nous patientons. Armando m’explique que nous devrions nous approcher. Je choisis de grimper sur la plus haute colline à proximité. A peine arrivé en bas qu’Armando me fait signe de me dépêcher de grimper, Panchita est apparue. Je fonce. Mes poumons me brûlent. Il s’agite car il ne veut pas que Panchita rentre à nouveau dans la forêt sans que je puisse la voir. Je redouble d’effort, mais courir, en pleine ascension, à cette altitude, est difficile. J’atteins le sommet, jette mon sac à dos à bout de souffle et j’oublie instantanément toute souffrance et la voyant. Panchita est là. Elle est belle. Un peu loin pour mon appareil, même avec un téléobjectif de 500mm, mais je ne la quitte plus des yeux. Tss, tss, tss, je mitraille. Je lève le pouce pour indiquer à Armando que je la vois. Je l’entends dire, avec enthousiasme, « Christofer l’a vue, Christofer l’a vue ! ». Je souris. Panchita s’offre en spectacle de longues minutes. Mon premier tapir des montagnes. Un animal étonnant, une sorte d’ours avec une trompe ! Je savoure. Armando, Nicole et Pascal atteignent un autre point d’observation. Tous finissent par la voir. Mission réussie !
Le lendemain, nous repartons sur les traces de Rebecca. Le temps n’a pas changé. Ce qui est une aubaine pour nous, puisqu’il est plus agréable de marcher quand il fait beau que quand il pleut, ne l’est pas pour notre mission. Armando se rend compte que toutes les habitudes des animaux sont perturbées par cette météo inhabituelle. Rebecca est toujours présente en milieu dégagé et elle est plutôt fainéante. Ce n’est pas son genre de se déplacer autant. Soit c’est le temps, soit elle est gestante. Armando n’est pas rassuré et veut pouvoir l’observer afin de s’assurer qu’elle va bien. Nous marchons, affûtons, pas de Rebecca. Le signal indique qu’elle se trouve dans la forêt face à nous, mais elle ne compte pas en sortir. Après une longue attente, Melchor décide de pénétrer le bois pour vérifier que Rebecca est bien là et en bonne santé. Armando surplombe la colline afin de pouvoir observer l’ourse si elle s’enfuit. Après une longue approche silencieuse, Melchor sort et nous fait signe de le rejoindre. Rebecca est bien là. Nous pénétrons à notre tour cette forêt très épaisse. Difficile de s’y faufiler sans faire de bruit. Rebecca est là, à une dizaine de mètres. Elle nous domine, sur une paroi très pentue, dans la végétation. Elle sait que nous sommes là et part sans précipitation. Elle sait que nous ne pourrons pas la suivre ici. Comment un ours peut-il se déplacer aussi facilement là où nous ressemblons à une mouche prise dans une toile d’araignée ? Je l’observe quelques secondes sans réussir à la prendre en photo. Impossible de passer entre les branches. Seule Nicole ne la voit pas. Nous laissons Rebecca s’éloigner un peu et tenterons une nouvelle approche après une courte pause.
Armando et Melchor tentent une approche depuis le haut de la colline, se glissant contre des parois quasi-verticales et végétalisées. Rebecca s’est aménagée un petit nid où elle se repose. Elle les regarde. Ils sont juste à quelques mètres d’elle. Armando prend une photo puis vient nous chercher. Un par un m’explique-t-il car l’approche est difficile. Toi d’abord ! Ok. En effet, je ne me sens pas en sécurité. Je me demande encore comment l’ourse peut se déplacer sur une paroi aussi étroite. Je me cramponne à la végétation : une chance, les graminées d’Equateur ont une résistance énorme ! Je photographie le nid désormais vide. Nous continuons notre approche périlleuse, mais Rebecca est partie. Toutes nos tentatives seront infructueuses et Armando est très déçu, car il voulait que chacun de nous puisse voir Rebecca, y compris Nicole. On voit qu’il n’aime pas l’échec et qu’il est peiné.
En rentrant, nous nous rendons dans un autre lieu où une cage permet de capturer les animaux afin de leur poser des colliers GPS. C’est là que les ours et le puma ont été pris. Armando y dépose un appât. Il y a des crottes d’ours et de nombreuses empreintes dans cette zone. Armando espère une capture dans les jours à venir.
Pour notre dernier jour, le temps est couvert. Il fait plus frais. Rebecca va-t-elle enfin reprendre ses habitudes ? Armando s’est mis la pression, alors que nous lui assurons que ce n’est pas grave si nous ne pouvons pas mieux voir Rebecca. Il refuse l’idée que Nicole puisse rentrer en France sans l’avoir vue. Nous arrêtons la voiture au même endroit que le premier jour. Melchor en sort. Quelques secondes après, il s’agite : Rebecca est là ! Cet homme a des yeux magiques ! Rebecca n’est qu’un petit point dans la végétation face à nous, mais il l’a tout de suite remarquée. Nous sortons notre attirail et tentons une approche en silence. Nous approchons jusqu’à une centaine de mètres et nous cachons dans la végétation. Elle est magnifique. Calme. Elle hume l’air et imaginons qu’elle se dit « ah, c’est Armando et ses amis. Ils me courent après depuis 3 jours, je vais quand même leur offrir quelques minutes pour m’admirer ». Pascal filme, Nicole est rivée à ses jumelles, je fais chauffer la carte mémoire de mon appareil photo, tout en n’oubliant pas de savourer cet instant rare. Je ne peux pas m’empêcher de penser que nous sommes chanceux de vivre cet instant privilégié, mais je me demande aussi combien apprécieraient ce moment à notre place ? J’imagine que la majorité des gens n’imaginent pas les efforts qu’il faut déployer pour voir ces animaux rares dans leur milieu naturel, mais aussi qu’ils n’apprécieraient même pas ce moment à sa juste valeur s’ils étaient à notre place. Derrière nous, Armando et Melchor sont heureux. Ils ont réussi leur pari ! Rebecca décide de s’en aller. Armando nous dit : « c’est fini, on la laisse tranquille ». Il nous laisse reprendre nos esprits. Nous sommes émus. Nous immortalisons l’instant par une photo de groupe. Nous rentrons, comme sur un nuage, portés par cet instant incroyable que nous venons de vivre.
Armando nous emmène à 4650 mètres. D’ici nous surplombons toute la région. Le paysage est lunaire, une lune végétale. C’est beau. Il cherche un ours. Nous n’en verrons pas, mais assistons à la place au vol des condors ; c’est notre jour de chance !
Nous préparons notre retour sur Quito avant celui vers la France. Fin de voyage. J’achète des porte-clefs à Armando que nous vendrons pour l’aider dans ses actions. Je suis ravi de l’avoir rencontré et convaincu plus encore de notre devoir de le soutenir dans ses projets. Nous sommes conscients de notre chance : nous avons, lors de cette expédition, réussi tout ce que nous nous étions promis de faire, le voyage n’aurait pas pu mieux se passer. Nous avons rencontré des acteurs de la protection de la nature précieux et observé des animaux rares, découvert un milieu riche, varié, qu’il faut préserver. Pas un trésor national, un trésor pour l’humanité. L’Amazonie respire pour nous.
Samedi, à l’aéroport, en escale à Miami, je reçois un message d’Armando. Il a capturé un jeune ours dans la cage. Il va pouvoir l’équiper avec un collier GPS. Pourquoi ? Toujours pour étudier son comportement, mais surtout ses déplacements. C’est le quatrième ours suivi par Armando, qui s’inquiète de leur proximité avec l’énorme route qui traverse le paramo. Cette route relie Quito à l’Amazonie et représente un réel danger pour la faune sauvage. Armando utilisera les données de cette étude pour alerter le gouvernement et faire des propositions afin de limiter l’impact négatif de la route sur les animaux sauvages.
Pour nous aider à continuer d’apporter notre soutien à AmaZOOnico et Andean Bear Foundation, plusieurs méthodes :
- adhérer à AVES France
- faire un don pour AmaZOOnico
- faire un don pour ANDEAN BEAR FOUNDATION
- acheter les bracelets Bearz singes et ours à lunettes
- acheter des porte-clefs ours à lunettes
Vous pouvez aussi, si vous avez la condition physique requise et du temps, devenir bénévole pour AmaZOOnico (au moins 2 mois) ou partir quelques jours à la rencontre des ours à lunettes et des tapirs avec Armando. Nous nous ferons un plaisir de vous donner des informations si vous souhaitez vous rendre en Equateur.
Christophe CORET
Président d’AVES France
[wpdevart_youtube]CRmsP09PD8o[/wpdevart_youtube]