Le monde à vol d’oiseaux (C. Moullec)
21 novembre 2015Compte-rendu du voyage en Equateur : refuge AmaZOOnico et rencontre avec le tapir des montagnes et l’ours à lunettes
7 février 2016S’il y a un pays ‚Äî que je connais bien ‚Äî où la cohabitation entre le pastoralisme et la faune sauvage ne pose pas (ou peu) de problème, c’est bien la Roumanie !
Pour y avoir vécu plusieurs années et y avoir rencontré des bergers ‚Äî ou, devrais-je dire, de vrais bergers, ceux qui gardent encore leurs troupeaux ‚Äî je peux témoigner que ce pays européen avait de quoi être montré en exemple sur les rapports entre les bergers et les grands prédateurs. S’il y aurait beaucoup à dire sur d’autres sujets, là, pour le coup, les roumains avaient des leçons à nous donner !
Car si, en France, une poignée d’éleveurs fait la loi et obtient le droit de vie et de mort sur les quelques grands prédateurs ‚Äî pourtant protégés ‚Äî qui peuplent encore nos forêts et nos montagnes (notre poignée d’ours, de lynx et de loups), en hurlant à qui veut l’entendre que la cohabitation est « IM-POS_SIBLE ! », c’est loin d’être le cas en Roumanie.
J’y ai rencontré des bergers qui m’expliquaient que la protection des troupeaux, c’était leur métier ! Que bien sûr des ours et des loups s’approchaient, mais qu’ils étaient là pour les chasser, que leur simple présence faisait fuir les prédateurs.
Il y a pourtant des troupeaux de plusieurs milliers de bêtes également dans ce pays d’Europe de l’Est ! Peut-être parce qu’il y a toujours eu des prédateurs et, qu’en tout temps, il a fallu partager le territoire avec eux, COHABITER, il y a eu une transmission entre les générations de bergers et il y a encore aujourd’hui une fierté à protéger le troupeau.
Il y a aussi le fait que beaucoup d’élevages sont dédiés à la fabrication du fromage. Telemea, Ca»ô, Ca»ôcaval, UrdƒÉ, brânzƒÉ de burduf… autant de fromages qui nécessitent une traite plusieurs fois par jour. La vie de la « stânƒÉ » est rythmée par une véritable vie pastorale, par les troupeaux qui partent le matin, conduits par des bergers et leurs chiens, puis qui rentrent pour la traite avant de passer la nuit en pleine nature, mais parqués et sous la surveillance à la fois humaine et canine ! Oui, voilà comment on élève des brebis dans une zone à prédateurs. Et si tout n’est pas rose en Roumanie, j’ai vu ces bergers. Je les admire. Ceux qui crient au loup, chez nous, en France, feraient bien de s’en inspirer !
Mais, un jour, cette belle image s’est assombrie.
Les bergers, mécontents, sont entrés dans Bucarest, la capitale de la Roumanie !
Après les révoltes paysannes de 1907, voici les bergers roumains à nouveau dans la rue. Je vous rassure, rien à voir… à part le fait qu’ils comptent bien se faire entendre par le gouvernement ! A l’appel de plusieurs associations d’éleveurs, ils ont organisé une manifestation mardi devant le parlement pour s’opposer à une modification de la législation qui devait limiter le nombre de chiens de protection, sous peine de devoir payer une amende allant jusqu’à 1500 lei !
La loi prévoyait un seul chien en plaine, deux chiens en zone de collines et 3 dans les montagnes ! Mais qui est derrière cette loi ? Les chasseurs en premier plan !
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« Ini»õiatorii legii au preluat, practic, argumentele vânƒÉtorilor, ≈üi anume cƒÉ prea mul»õi câini la stâne afecteazƒÉ animalele sƒÉlbatice, dar »ôi turismul »ôi vânƒÉtoarea. » Liviu Dragnea.
« Les initiateurs de cette loi ont repris les arguments des chasseurs, qui disent qu’un nombre trop élevé de chiens sur les estives affecte la faune sauvage, mais également le tourisme et la chasse. »
Une association ornithologique a également appelé à la limitation du nombre de chiens pour garder les troupeaux, estimant que ceux-ci sont mal nourris et qu’ils fuguent, redeviennent sauvages, se reproduisent et s’attaquent aux oiseaux qui pondent au sol, mais aussi aux grands mammifères. Plutôt que d’empêcher les bergers de protéger correctement leurs troupeaux, ce qui conduirait à une situation analogue à notre dramatique exemple français qui consiste à abattre les grands prédateurs plutôt que de protéger les moutons, trouvons d’autres solutions !
Il est vrai que les chiens de bergers sont souvent considérés comme des outils de travail, que le suivi vétérinaire n’est pas toujours suffisant et qu’ils ne sont pas nourris avec des croquettes Premium vendues à prix d’or. Justement parce qu’ils doivent les nourrir, les bergers n’ont aucun intérêt à avoir plus de chiens que nécessaire ! Laissons-leur gérer cela eux-mêmes. Par contre, peut-être le gouvernement pourrait-il légiférer sur un encadrement de la reproduction des chiens, un puçage obligatoire des animaux, un suivi vétérinaire régulier (à noter que les chiens sont déjà tous suivis gratuitement pour la vaccination anti-rabique, chaque année).
Après des affrontements devant le Parlement, il semble que le gouvernement ait reculé et que les sanctions financières à l’encontre des bergers trop bien protégés soient abandonnées…
Quant aux chasseurs qui s’estiment en compétition avec les chiens des bergers, peut-être pourraient-ils commencer par déclarer leurs prises et mettre un terme au braconnage… parce que malheureusement, cela aussi j’ai pu l’observer lorsque j’ai vécu en Roumanie.
http://www.romanialibera.ro/actualitate/eveniment/protest-al-crescatorilor-de-oi–in-fata-parlamentului-402176