
6 ONG saisissent la justice contre le déterrage des blaireaux en région AURA !
20 septembre 2022
PÉTITION CONTRE LE DÉTERRAGE AU SÉNAT : NOUS DEMANDONS NEUTRALITÉ ET TRANSPARENCE !
28 septembre 2022Monsieur le Préfet,
Je tiens à dénoncer l’acharnement dont est victime le renard dans la Nièvre, tout comme dans de nombreux autres départements français, à l’exception de certaines communes qui reconnaissent son fort potentiel d’auxiliaire agricole et l’ont supprimé de leur liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, notamment dans le Haut-Doubs.
Du fait de son classement ESOD (ex-nuisible), le renard est chassé plus de dix mois sur douze, y compris par temps de neige, de jour comme de nuit, et piégé toute l’année. De plus, il peut être régulé par déterrage.
Différents motifs sont invoqués pour justifier sa destruction, parmi lesquels la protection des élevages avicoles, la prétendue responsabilité du renard dans la transmission de certaines maladies et, enfin, la préservation des espèces classées petit gibier.
C’est précisément l’objet de l’arrêté publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Nièvre du 4 août 2022, portant sur l’autorisation de battues administratives de destruction du renard par tirs de nuit.
La Fédération des chasseurs de la Nièvre a présenté sa demande le 26 juillet 2022 au motif que les pratiques de piégeage et de la chasse ne suffiraient pas à réguler les populations jugées importantes de renards sur le territoire du GIC petit gibier de La Montagne (Asnan, Grenois, Taconnay, Talon).
Ne se limitant pas à un seul territoire, la FDC58 a réitéré la même demande, à la même date, pour d’autres territoires : Béard, Druy-Parigny, Sougy sur Loire, Chaumot, Chitry Les Mines, Corbigny, Pazy, Alligny-Cosnes, St Benin d’Azy, Limon, Beaumont-Sardolles, Myennes, Anthien, Moissy-Moulinot, Magny, Lormes, Ruage, Alluy, Chatillon en Bazois.
Soit pas moins de 8 arrêtés !
Au sein d’AVES France, nous déplorons le mépris de l’administration pour le débat public, puisque votre administration semble avoir publié ces arrêtés le plus discrètement possible, au mépris de son obligation de la mise en œuvre du processus du dialogue environnemental. En effet, alors que le code de l’environnement (art L123.19.1 du CE) prévoit des procédures de consultation électronique du public concernant les décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, ces arrêtés ont simplement fait l’objet d’une publication dans le recueil des actes administratifs, sans qu’aucune consultation publique n’ait été organisée au préalable.
Or, l’argument avancé par la fédération de chasse pour justifier ces arrêtés n’est pas recevable. En effet, en France, ce sont, entre autres, des dizaines de milliers d’oiseaux issus d’élevages (Perdrix grises et Faisans de Colchide), non adaptés à la vie sauvage, qui sont lâchés dans la nature exclusivement pour des intérêts cynégétiques. Le renard est alors considéré comme un concurrent et traité comme tel. Pourtant, de nombreuses études ont démontré que les prédations de ce carnivore ne mettent pas en danger le petit gibier. Plusieurs tribunaux administratifs ont d’ailleurs condamné des arrêtés pris pour ce motif.
Par ailleurs, la période choisie pour ces destructions de renards correspond avec celle où le gibier dit « de tir » est massivement relâché dans la nature pour servir de chair à canon aux chasseurs. Dans ce contexte, ces arrêtés ne peuvent trouver de justification dans un objectif de repeuplement du petit gibier.
Il est également fait mention des dégâts aux activités humaines. Or, la destruction des renards ne fait pas baisser le nombre de prédations sur les élevages domestiques. Seule une mise en place de clôtures et de dortoirs empêchant toute intrusion d’éventuels prédateurs constitue une parade efficace. De plus, les dégâts causés par le renard dans les élevages avicoles sont à mettre en perspective avec les ravages causés par le grippe aviaire, par exemple.
Quant aux transmissions de maladies, de récentes études scientifiques publiées par « The Royal Society Publishing » ont révélé que les renards, les martres et les blaireaux sont un rempart efficace contre la propagation de certaines maladies, notamment la borréliose de Lyme, grâce à leur rôle dans la régulation des rongeurs principaux vecteurs de cette maladie.
Il est également important de rappeler que le renard rend d’autres services au monde agricole. Le Renard roux est un régulateur des micromammifères tels que les petits rongeurs qui causent parfois d’importants dégâts dans les cultures ; ce faisant, il permet d’éviter l’utilisation de produits tels que la bromadiolone, un anticoagulant dangereux pour l’homme et les écosystèmes.
En résumé, d’autres facteurs sont responsables de la raréfaction du« petit gibier ». Nous pouvons citer notamment une pression de chasse trop forte, certaines pratiques agricoles et les sécheresses successives. En tout état de cause, le renard n’a qu’un impact dérisoire sur les populations de gibier.
Nous constatons également que les demandes des chasseurs sont systématiquement prises en compte et que, trop souvent comme dans ces arrêtés, aucun chiffre étayé n’est présenté, aussi bien quant à la population locale de renards que quant à la nature et à la quantification de dégâts commis par ces prédateurs. Cette complaisance entraîne la persécution d’une espèce patrimoniale dont les intérêts rendus par les services écosystémiques induits ne sont plus à démontrer. Cette mauvaise gestion se faisant au détriment de la préservation de la biodiversité rurale.
Il nous paraît évident que vos arrêtés souffrent d’illégalités internes et externes. Cependant, nos précédentes actions contentieuses nous ont prouvé que le tribunal administratif de Céans ne retient jamais l’urgence et refuse de suspendre vos décisions. C’est certainement ce qui vous encourage à prendre des arrêtés au mépris de la loi et la raison pour laquelle nous adressons une copie de ce courrier au ministère de la justice et à celui de l’écologie. Il n’est pas admissible qu’une administration puisse se considérer au-dessus des lois et systématiquement condamner des animaux sauvages, répondant aux injonctions d’une fédération de chasse qui semble toute puissante dans votre département.
Compte-tenu des considérations qui précèdent, nous vous demandons de ne pas reconduire ce type d’autorisations à l’avenir.
Comptant sur votre compréhension, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de ma haute considération.
Christophe CORET
Président d’AVES France
Sylvie CARDONA
Responsable Bureau local Nièvre
Membre du Conseil d’Administration
Frédéric DANIEL
Vice-président
Une copie de la lettre ouverte a été envoyée à Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, au Ministère de la Justice, à la DDT de la Nièvre, à la direction de l’Office Français pour la Biodiversité (OFB) de la Nièvre et aux mairies concernées par ces arrêtés.
© photo iStock – Nastassia Samal