Retour sur le colloque du 12 novembre 2018 à l’Assemblée nationale contre l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques et les spectacles
5 décembre 2018Vos achats en ligne se transforment en dons avec Prizle.com
11 février 2019On ne va pas se mentir : quand on parle des grands carnivores en France, on pense immédiatement aux problèmes de cohabitation entre l’élevage et la grande faune sauvage et à l’opposition farouche de certains lobbyistes. Depuis des années, on les entend répéter à l’envi que la cohabitation est impossible, que la présence des grands prédateurs est incompatible avec le pastoralisme, et pour cause ! Depuis toujours, on a cru qu’il suffisait d’indemniser les brebis pour acheter la paix dans les alpages. On a laissé s’installer un système malsain où ceux qui refusent de protéger leurs troupeaux sont subventionnés. On peut également se demander si l’administration a tout fait pour apporter un soutien aux éleveurs, qui sont parfois démunis face aux attaques sur leurs troupeaux. En Slovénie, il a fallu une remise en cause des solutions préconisées par les agents du Slovenia Forest Service pour qu’enfin on signe l’armistice entre l’ours, le loup et les éleveurs… qui aujourd’hui soutiennent même le retour du lynx.
Lors de la conférence de l’IBA (International Association for Bear Research & Management) qui s’est tenue en septembre 2018 en Slovénie, Rok ƒåerne et Toma≈æ Berce du Slovenia Forest Service ont insisté sur le fait que subventionner et distribuer des dispositifs de protection ne suffit pas pour réduire les dommages causés par les ours bruns et les loups gris. En voici le résumé.
“L’expérience de la Slovénie montre que seul, le cofinancement ou la distribution gratuite de dispositifs de protection tels que des filets électriques de 106 cm de hauteur ne réduit pas les dommages causés par les ours et les loups. Au cours de la période 2005-2010, la Slovénie a lancé un appel pour subventionner l’achat de filets électriques chaque année. La demande de cofinancement était forte et de nombreux agriculteurs victimes de dommages réguliers ont commencé à utiliser des filets électriques. Néanmoins, les dommages ont continué à se produire sur leur propriété et plus de la moitié des déprédations de petit bétail dans le pays ont eu lieu sur des pâturages gérés par des agriculteurs ayant reçu des subventions.
En conséquence, le système de subventions a été déclaré inefficace et donc abandonné. En outre, il est généralement admis que rien ne peut être fait pour empêcher la propagation des dommages. Qu’est ce qui ne s’est pas bien passé ? Malgré l’expérience négative, la hauteur des filets électriques a été améliorée et 10 filets de 170 cm de hauteur ont été distribués au cours de la période 2011-2013.
Après la distribution, les dégâts se sont reproduits malgré l’amélioration du matériel. √Ä ce stade, nous avons entamé une coopération intensive avec les agriculteurs. Nous avons installé des pièges photographiques le long des clôtures, effectué des observations directes et contrôlé régulièrement le courant électrique. Nous avons découvert que les dommages avaient été causés par une utilisation incorrecte des clôtures électriques, en particulier par un entretien insuffisant des clôtures et par une mise à la terre inappropriée, qui entraînait un manque de courant électrique.
Grâce à l’amélioration du matériel fourni et à l’utilisation correcte des clôtures électriques par ces agriculteurs, les dommages causés par les loups et les ours ont été réduits de plus de 100 000 € par an. Ces résultats ont conduit à une amélioration du système au niveau national. Nous avons mis en place une coopération régulière avec les agriculteurs qui reçoivent des clôtures électriques et avons commencé à effectuer des contrôles réguliers pour vérifier leur utilisation correcte. Une attention particulière est accordée si des dommages se produisent malgré l’utilisation de filets électriques de 170 cm. Jusqu’au printemps 2017, nous avons distribué 90 ensembles de clôtures électriques hautes et, au niveau national, nous avons réussi à économiser en moyenne 35 % ou 185 000 € par an en compensation de dommages.”
Qu’est-ce que cela prouve ? Pour moi, cela montre que la cohabitation n’est pas seulement de la responsabilité des éleveurs. En France, on aime nous faire croire que les éleveurs sont responsables de la situation actuelle, et il faut reconnaître qu’il existe une poignée d’irréductibles qui refuseront toujours la cohabitation. Mais l’administration n’a-t-elle pas également sa part de responsabilité ? Est-il normal qu’en 2019, les préfets ne voient qu’un seul moyen de protéger les troupeaux : faire appel à la brigade loup pour éliminer une espèce pourtant protégée, alors que les tirs de loups sont inutiles, inefficaces et qu’ils désorganisent les meutes ? 17 ans après le retour de ce grand canidé, pourquoi aucun protocole n’a été mis en place pour aider les éleveurs à défendre leurs troupeaux ? Pourquoi n’avons-nous pas de clôtures électriques efficaces à leur proposer ? Pourquoi la France se trouve en seconde position du classement en montant des compensations versées alors que nous n’avons sur notre territoire qu’une cinquantaine d’ours et au maximum 500 loups ?
La présence sur le terrain après chaque prédation des agents du Slovenia Forest Service a permis de comprendre pourquoi les moyens de protection proposés étaient inefficaces. Cela a permis également d’instaurer une relation de confiance entre les éleveurs et les agents de l’Etat. C’est grâce aux études sur le terrain que les agents ont pu déterminer la meilleure façon de poser les clôtures électriques (en cercle pour éviter que les moutons arrachent la clôture lorsqu’ils se mettent à courir), la longueur minimale et maximale de l’installation pour qu’elle soit efficace, sa hauteur, la puissance du courant nécessaire pour effaroucher les ours et les loups. Ce travail a permis de constater une baisse des prédations liées au loup après 2010 et la stagnation des prédations attribuées à l’ours. Il est important de préciser que la population de loups a doublé depuis 2010, passant de 40 à 80 individus. La population d’ours serait passée de 600 individus à plus de 900 !