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26 mai 2024On se rappelle tous de la démission fracassante de Nicolas Hulot, prise de guerre du Président Macron pour incarner l’écologie dans le gouvernement d’Edouard Philippe en mai 2017. Confronté à l’omniprésence des lobbyistes de la fédération de chasse dans les plus hautes sphères du pouvoir, il annonçait non sans émotion, le 28 août 2018, au micro de Léa Salamé, sur France Inter, son impossibilité de réaliser sa mission et son renoncement.
Mais ce qu’il dénonçait en 2018 n’est que la partie émergée de l’iceberg. Car si les responsables de la fédération nationale des chasseurs ont leurs entrées à l’Elysée, à Matignon et dans les ministères, et qu’ils rencontrent plus souvent nos dirigeants que toutes les associations de protection de l’environnement réunies, cette influence existe également dans les départements, où les liens entre les fédérations départementales des chasseurs et les préfectures sont parfois à peine cachés. Les assemblées générales des fédérations de chasse sont d’ailleurs souvent l’occasion pour les politiques locaux et pour les préfets de déclarer leur amour aux chasseurs.
Et ils auraient tort de se priver de ce privilège. Les fédérations de chasse se savent toutes puissantes, protégées par l’Elysée qui musèle tous ceux qui osent s’opposer à elles. Dans les couloirs du ministère, combien de conseillers nous ont confié « en off » qu’ils avaient refusé les missions liées à la chasse car c’est un sujet verrouillé par l’Elysée ? Même des ministres ont reconnu pouvoir faire avancer beaucoup de sujets, mais pas la chasse. Dans les administrations locales, le devoir de réserve des fonctionnaires fait que peu acceptent d’évoquer le sujet, mais certains confient que même s’ils ne sont pas d’accords avec les projets d’arrêtés qu’ils proposent, les ordres viennent d’en haut.
Il faut accepter sa part de responsabilité dans la situation actuelle, sans la laisser perdurer…
Pendant de très nombreuses années, nos associations de protection de l’environnement ont laissé le champ libre aux lobbyistes des fédérations de chasse. Nous n’étions pas suffisamment organisés et pensions ne pas être assez puissants pour aller à la rencontre des élus et demander des comptes aux préfectures.
Sur le terrain local, à l’échelon départemental, là où se prennent les arrêtés chasse, les directions départementales des territoires avaient pris l’habitude de renouveler chaque année leurs arrêtés, à la demande des fédérations de chasse, sans jamais qu’on leur demande de les justifier. A partir de 2016, AVES France a commencé à se saisir de cette problématique et à tenter de démocratiser le dialogue environnemental.
Il faut bien l’avouer : les directions départementales des territoires ne nous aiment pas beaucoup, car nous contestons leurs arrêtés devant les tribunaux administratifs. Pourtant, saisir les tribunaux pour faire entendre notre voix n’est un plaisir pour personne.
Pourtant, avant chaque mise en application d’un nouvel arrêté ayant une incidence sur l’environnement, les préfectures ont pour obligation de le soumettre à la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS).
Au cours de cette étape, les associations locales qui siègent en CDCFS alertent souvent l’administration sur les faiblesses de leurs arrêtés, mais elles ne sont jamais écoutées, puisque la composition de ces commissions est déséquilibrée au profit des représentants d’intérêts cynégétiques. En résumé, les chasseurs y sont rois. Ils font les textes, les justifient et votent en leur faveur…
On a découvert, en étudiant les métadonnées des documents publiés sur les sites des préfectures de plusieurs départements, que des chasseurs rédigent parfois les arrêtés préfectoraux ou les notes de présentation :
- le directeur de la Fédération Départementale des Chasseurs dans la Nièvre (projets d’arrêtés 2024)
- le directeur de la Fédération Départementale des Chasseurs dans l’Eure-et-Loir, ancien directeur de la FDSEA28 (note de présentation 2024)
- le directeur du service technique de la Fédération Départementale des Chasseurs en Gironde (projet d’arrêté 2023) et technicien de la Fédération Départementale des Chasseurs en Gironde (note de présentation 2024)
- la secrétaire de la Fédération Départementale des Chasseurs en Lozère (projet d’arrêté 2024)
On nous a aussi rapporté l’intervention de la préfète de la Haute-Marne en CDCFS pour annoncer que son précédent arrêté venait d’être sanctionné par le tribunal administratif, mais qu’elle autoriserait une nouvelle période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau dans son nouvel arrêté.
Nous avons déjà évoqué la question de la composition des CDCFS au Ministère de la transition écologique, qui nous fait toujours la même réponse : ces commissions ont un avis consultatif, et de toute façon, le sujet chasse est clivant et il n’y aura jamais de consensus, même si les représentants de nos associations avaient le même nombre de voix que les chasseurs. Pourtant, rééquilibrer les CDCFS serait une première étape pour que le dialogue environnemental fonctionne enfin dans notre pays. Les associations qui y siègent subiraient moins de pressions de la part d’individus qui se savent majoritaires et tout puissant. La publication systématique d’un compte-rendu de ces réunions permettrait également de valoriser le travail des associations, qui défendent comme elles le peuvent l’intérêt général.
Suite à la décision de la CDCFS, la préfecture a l’obligation de proposer son projet d’arrêté à la consultation du public pendant 21 jours. C’est une étape importante pendant laquelle tout citoyen peut s’exprimer et alerter les préfectures sur les failles de leurs projets d’arrêtés.
Chez AVES France, nous essayons de relayer toutes les consultations qui font l’objet de périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau, et tentons de relayer certaines autres consultations, mais cela demande un travail conséquent pour les identifier, car chaque préfecture peut décider de son propre calendrier. Il faut ensuite étudier les projets d’arrêtés et les documents annexés, pour pouvoir rédiger un argumentaire spécifique à chaque consultation.
Si malgré tout, les préfectures s’entêtent à adopter un arrêté alors que nous en avons listé les irrégularités, nous n’avons d’autre choix que de saisir les tribunaux administratifs. Déposer des recours a un coût non négligeable, mais c’est souvent le seul moyen que nous avons pour lutter contre des chasses injustifiées et illégales.
Depuis plusieurs années, nous avons également pris l’habitude de questionner les préfectures sur les données en leur possession lorsqu’elles adoptent un arrêté permettant la chasse des blaireaux ou des renards. Cela nous a permis de démontrer que dans une vaste majorité des départements, l’administration n’avait pas d’éléments justificatifs, et connaissait très mal l’état des populations animales pour lesquelles elles autorisent la chasse.
Prises en défaut, elles ont alors demandé aux fédérations de chasse de leur fournir des éléments, ce qui a conduit les chasseurs à lancer des enquêtes auprès de leurs membres, pour défendre la chasse.
C’est ainsi que nous avons vu les chasseurs de la FDC87 encourager les agriculteurs à déclarer des dégâts sans aucune preuve à apporter, en remplissant un simple formulaire et une déclaration « sur l’honneur » que leur déclaration est véridique, tout en leur rappelant « L’ENJEU » : « Justifier et obtenir le classement ESOD (nuisible) d’un maximum d’espèces sur le département (tous les 3 ans) » et « LE RISQUE » : « Si pas suffisamment de données, risque de perdre certaines espèces et ne plus pouvoir les réguler (renard, corvidés) ». On peut aussi prendre l’exemple de l’enquête sur le suivi du blaireau dans le Cantal, dont le titre pour les chasseurs était « Enquête 2021 pour la défense de la chasse du blaireau dans le Cantal ».
Dans les faits, les premiers arrêtés ont été suspendus pour défaut de note de présentation ou d’éléments sur les effectifs de blaireaux ou sur les dégâts. C’est la raison pour laquelle les chasseurs se sont mis en ordre de bataille pour fournir des éléments à l’administration. Peu importe que les dégâts augmentent de 1000% comme dans le Loir-et-Cher, peu importe que l’IKA pour les blaireaux ait été stable pendant 20 ans en Haute-Vienne et passe en une année de 0,02 à 0,06 ou que la mortalité routière déclarée par la FDC augmente de 1000% en deux ans dans le Calvados. Les administrations ne portent aucune critique sur les données qui leur sont transmises et les relayent dans les consultations publiques, même quand elles sont totalement aberrantes ou que les chiffres sont modifiés d’une année sur l’autre. On a même vu cette année plusieurs préfectures assurant que le blaireau est responsable de prédations sur les ovins, ou capable de détériorer 7 hectares de pois, comme par exemple dans les Deux-Sèvres…
Attaquer les arrêtés, la seule façon de faire entendre notre voix !
Malheureusement, les consultations publiques sont trop souvent réalisées pour la forme, sans aucune intention de remettre en question le projet d’arrêté. Toutefois, le fait de questionner la légalité des périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau a convaincu de nombreuses préfectures qu’elles devaient tenter d’apporter des justifications à cette chasse complémentaire. Nos efforts ne sont donc pas vaincs. Dans les faits, c’est tout le contenu des arrêtés chasse que nous devrions questionner, ce que nous ne faisons pas pour le moment, par manque de moyens et de temps.
Pour faire entendre nos arguments quand les préfectures font la sourde oreille, la voie contentieuse est indispensable. Nous déposons donc des recours, qui permettent d’obtenir de plus en plus souvent des suspensions et des annulations.
Mais malgré les condamnations, certaines fédérations de chasse continuent de faire pression sur l’administration, qui est parfois prête à renier ses propres écritures et à adopter des arrêtés alors qu’elles savent qu’ils seront contestés.
La préfecture de la Nièvre, qui avait reconnu en 2023 qu’ « en l’état des connaissances sur l’espèce, il est apparu nécessaire à l’administration de respecter la période de sevrage des blaireautins. C’est la raison pour laquelle le projet d’arrêté proposé ci-joint prévoit le début de la période complémentaire de vénerie sous terre uniquement à compter du 1er juillet 2023 » a finalement publié deux arrêtés en 2024, dont l’un autorisant l’ouverture de la vénerie sous terre au 15 mai 2024, alors que les ordonnances de plusieurs tribunaux ont reconnu que cela contrevenait à l’article L. 424-10 du code de l’environnement, puisque l’ouverture anticipée de la vénerie sous terre du blaireau provoque la mort de jusqu’à 45% des blaireautins, qui se trouvent dans les terriers détruits.
Il faut dire que certaines préfectures se savent protégées par des tribunaux administratifs qui n’admettent jamais l’urgence sur la chasse et rejettent les référés, ce qui leur permet d’adopter des arrêtés au mépris de la loi, en sachant que l’arrêté s’appliquera et que même condamnées, elles n’auront aucun dommage à verser aux requérantes.
Pire, des préfectures contournent volontairement la loi, comme par exemple l’Ille-et-Vilaine, qui adopte des arrêtés qui sont attaqués, les abrogent et reprennent un nouvel arrêté juste avant l’ouverture de la chasse, pour garantir aux chasseurs de pouvoir pratiquer jusqu’à la suspension.
Malgré des jurisprudences de plus en plus nombreuses, le ministère de la transition écologique reste passif sur le sujet. Nous avons même eu la mauvaise surprise de voir que leur service juridique a interjeté appel contre deux de nos victoires. Notre ministère de tutelle, dont l’objectif affiché est de protéger la biodiversité, serait donc prêt à s’opposer aux associations de protection de l’environnement quand elles gagnent des recours.
D’ailleurs, lorsque notre première demande d’agrément avait été refusée par le ministère, nous avions été surpris de voir que les chasseurs avaient réussi à se procurer la notification de refus dans un délai extrêmement court. Une nouvelle preuve de la gangrène qui touche notre administration dès qu’on parle de chasse…