¬© L’ours Micha dans sa geôle – One Voice 2019
Retour sur les faits :
Depuis de nombreuses années, plusieurs associations de protection animale s’inquiètent des conditions de détention et d’exploitation des animaux détenus par les Poliakov, et alertent régulièrement les autorités à leur sujet.
En 2014, un soigneur animalier contacte l’association AVES France pour dénoncer les conditions de détention des animaux détenus par le couple : « il m’a fallu quelques jours à peine pour me rendre compte que les conditions de captivité des ours (et des autres animaux qu’ils possèdent) sont inacceptables », affirmait ce témoin resté cinq mois sur place, et révélant que Micha « a de nombreux problèmes de santé : il n’use pas ses griffes, du coup elles ont tendance à rentrer dans la plante du pied et à occasionner des blessures. Il a aussi des gros problèmes “d’allergies”. C’est le seul qui sort un peu, pour aller travailler en spectacle. »
Son témoignage est accompagné de photos des ours dans leur prison de béton, que nous transmettons aux autorités…
¬© Photos des installations des ours – mai 2014 confiées à AVES France par un lanceur d’alerte.
« En mai, à cause d’une inspection de la DDPP, ils ont été transférés en urgence dans le bâtiment (deux heures avant l’arrivée des inspecteurs). Cela à ensuite posé de nombreux problèmes car les travaux n’étaient pas terminés. Du coup, même si leur espace de vie était plus grand, leurs conditions de vie étaient à mon sens moins bonnes (sol en béton brut, copeaux toujours humides, pas de lumière…). De plus, c’est devenu dangereux de les nourrir puisqu’ils pouvaient passer les pattes à travers les grilles. J’ai failli me faire accrocher plusieurs fois par Glasha et j’ai même perdu un arrosoir en l’abreuvant. Bony avait même développé un pathologie qui pour moi était une sorte de gale puisqu’il perdait ses poils et se grattait jusqu’au sang contre les murs. Quand je suis parti, le parc n’était toujours pas terminé (et loin de l’être) et de toute manière, Sacha m’avait confié que les ours ne seraient pas sortis dedans régulièrement. Parce que d’une part il voulait être présent en permanence pour les surveiller, et d’autre part il craignait que s’ils étaient laissés trop libres, ils ne veuillent plus “travailler”. A noter aussi qu’en 5 mois de présence, je n’ai jamais vu les ours être sortis de leur logement (que ce soit pour travailler ou pour se promener), à part Micha quand il allait en spectacle (peut être 3-4 fois en 5 mois). »
En 2016, l’ours Micha participe à un spectacle à Arcis-sur-Aube. Une nouvelle fois, AVES France filme le spectacle. L’ours arrive sur scène en bavant, étant resté dans un van pour chevaux puis dans une cage en plein soleil, sans eau. Comme à Crépy-en-Valois en 2015, des spectateurs prennent à partie les dresseurs à la fin de la représentation et dénoncent l’état de l’ours, dont les griffes se recourbent dans ses soles plantaires. Pourtant, les autorités administratives ne prendront pas même la peine de se déplacer ce jour-là.
Pour la Saint-Valentin 2018, le couple exhibe Micha dans un restaurant de Bagnolet. One Voice dépose plainte. Quelques mois après, celle-ci est classée sans suite, l’association dépose alors un nouveau recours.
Toujours en 2018, la société des Poliakov « SAS animal bien-être » dépose le bilan. Des solutions de prise en charge des animaux sont proposées, mais les agents de la préfecture du Loir-et-Cher ne saisissent pas l’opportunité d’offrir une vie décente aux animaux du couple. Pire, elles semblent minimiser leurs difficultés et leur incapacité à prendre en charge leurs animaux décemment.
En 2019, le ministère de la transition écologique ordonne enfin une enquête.
Il faudra attendre septembre 2019, alors que nos organisations participent depuis des mois à la mission ministérielle sur le bien-être animal, pour qu’enfin nos alertes soient prises au sérieux.
L’association One Voice informe le cabinet d’Elisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique et solidaire, qu’elle a en sa possession de nombreuses heures de vidéos tournées dans les « quartiers d’hiver » des Poliakov, à Chauvigny-du-Perche, montrant la détresse de leurs animaux et les conditions indignes de leur détention.
Les images de ce spectacle sont transmises au ministère et rendues publiques, alors même que One Voice publie celles des conditions de détentions des animaux des Poliakov. Le ministère lance une enquête et la presse relaye ce cas avéré de maltraitance animale. Enfin nos alertes sont prises au sérieux.
Sous la pression de nombreuses organisations de protection animale, le préfet du Loir-et-Cher demande la saisie des deux autres ours détenus par le couple. L’ours Bony est envoyé au refuge de l’Arche, tandis que Glasha rejoint le Bärenpark Schwarzwald, en Allemagne, de la Fondation pour les ours.
¬© AVES France : à gauche, arrivée de Bony au refuge de l’Arche – à droite, Glasha, renommée Franca, au Bärenpark Schwarzwald.
Plusieurs plaintes déposées contre les Poliakov
Si la justice administrative a récemment décidé de ne pas accéder aux demandes de l’association One Voice, ce que nous dénonçons, elle renvoie à la justice pénale la responsabilité de se prononcer sur les demandes des associations, et notamment le retrait définitif des ours, mais aussi de l’ensemble des animaux encore détenus par le couple. Le couple de dresseurs sera en effet jugé pour avoir exercé des sévices graves envers des animaux apprivoisés, tenus en captivité, et détenu ces animaux dans un environnement ou des installations pouvant être causes de souffrances.
La dernière visite d’un vétérinaire pour les ours datait de 2011. Ils vivaient dans des geôles bétonnées avec un accès à l’enclos extérieur très restreint. Les dresseurs ne possédaient pas de certificat de capacité pour le singe Mina, alors qu’ils l’exploitaient lors d’évènements lucratifs. Sa cage n’était pas nettoyée régulièrement. Les oiseaux (psittacidés et columbinae) étaient enfermés dans une remorque de camion frigorifique sans lumière du jour et sans accès à une volière pour les dix tourterelles. Les box des chevaux n’étaient pas nettoyés régulièrement et les conditions d’enfermement prolongées ont provoqué un surpoids et une grande souffrance.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que la justice ne doit plus permettre à ces individus la détention du moindre animal, qu’il s’agisse d’animaux sauvages ou domestiques. L’administration a également sa part de responsabilité dans cette affaire, n’ayant pas pris au sérieux les alertes de nos organisations. A ce jour, plus de deux ans après le lancement de la mission ministérielle sur le bien-être animal, nous déplorons toujours l’absence de mesures effectives, malgré les annonces de Barbara Pompili. Si une proposition de loi a bien été votée en première lecture par l’assemblée nationale en janvier 2021, le texte n’est toujours pas à l’ordre du jour en vue de son adoption par le Sénat.