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9 mai 2020Déjà en 2019, le Ministère de la Transition écologique et solidaire avait déposé un arrêté pour effaroucher les ours dans les Pyrénées, malgré l’avis défavorable du Conseil National pour la Protection de la Nature et celui de 95% des 1543 contributeurs à la consultation publique qui avait été réalisée.
Le Conseil National pour la Protection de la Nature s’oppose toujours au projet d’arrêté qui vient d’être mis à la consultation du public.
A nouveau, AVES France vous invite à exprimer votre opposition à ce projet d’arrêté qui n’a aucun sens et qui ne règlera pas les problèmes de cohabitation avec le monde de l’élevage.
Vous trouverez sur notre site dédié aux consultations publiques une liste d’arguments à reprendre afin de rédiger votre propre commentaire.
Suivez bien les instructions : votre message devra être posté sur le site du ministère. Vous trouverez le lien dans notre article.
Notre contribution, postée le jeudi 30 avril 2020 :
Madame la Ministre,
Au nom de l’association AVES France que je représente en qualité de Président, je tiens à m’opposer à votre projet d’arrêté relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux.
Ce projet d’arrêté concerne la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux. Or, cette expérimentation a déjà été mise en place l’an dernier et cet arrêté n’est que son prolongement, au motif que celle conduite en 2019 n’a pu produire d’effet en raison de sa trop faible période d’application, mais sans apporter de réponse au questionnement méthodologique.
Le conseil national de la protection de la nature a pourtant émis dès l’année dernière de nombreuses réserves sur votre projet, le sanctionnant d’un avis défavorable à l’unanimité. Cette année encore, le 30 mars 2020, la CNPN a émis un avis défavorable à l’unanimité (0 pour, 27 contre, 0 abstention) sur votre projet d’arrêté relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées.
En 2019, la consultation a été particulièrement suivie avec 1543 contributions dont 95% CONTRE cet arrêté. Vous voudrions croire que vous vous souciez réellement de l’avis des personnes qui prennent le temps de répondre à ces consultations du public et que vous tiendrez compte de leurs avis, mais également de celui du Conseil National de la Protection de la Nature.
Pour en revenir à l’arrêté pour lequel vous nous demandez notre avis, il précise en son article 1 qu’il ne s’applique pas aux mesures de conditionnement aversif qui peuvent être ordonnées par les préfets pour prévenir les dommages causés par un spécimen d’ours manifestant l’un des comportements suivants : absence persistante de fuite lors de rencontres avec l’homme ; attaques répétées d’un troupeau le jour malgré la présence du berger ; alimentation régulière à partir de nourriture d’origine humaine. Il n’a donc pas pour but de cibler les ours dits « à problèmes », mais bien des ours dont le comportement est parfaitement normal.
Pourtant, aucun bilan détaillé des prédations n’a été versé au dossier. Il n’est pas possible de savoir si les exploitations touchées étaient protégées, ni même si les dégâts ont été confirmés ou attribués au bénéfice du doute.
L’ours brun est toujours une espèce protégée en France, classée parmi les vertébrés menacés d’extinction et il est considéré comme une espèce en danger critique d’extinction sur la liste rouge française établie selon les critères de l’UICN. Son effarouchement constitue donc une dérogation à la protection de l’espèce au titre des articles L.411-1 et 2 du code de l’environnement et dans le cas précis, à l’interdiction de perturbation intentionnelle. Elle est donc liée au respect de trois conditions : ne pas nuire à la conservation de l’espèce, ne l’appliquer qu’en cas de dommages importants et s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, trois conditions cumulatives qui ne sont toujours pas remplies.
Si une expérimentation doit-être limitée dans le temps, elle devrait être également limitée à un certain nombre d’estives et assortie d’un protocole expérimental bien cadré, ce qui n’est pas le cas ici. L’expérimentation ne prévoit pas d’étudier scientifiquement l’impact de cet effarouchement sur les ours et leur comportement. Le dérangement provoqué par ces méthodes d’effarouchement pourrait avoir pour conséquence une perte d’habitat considérable qui menacerait sa conservation des ours, mais pourrait également affecter d’autres espèces.
Les seuils de dommages déclenchant l’effarouchement sont extrêmement bas et ne peuvent être considérés comme des dommages importants : une attaque pour laquelle la responsabilité de l’ours ne peut être écartée, donnant lieu à au moins un animal indemnisable au titre de l’ours dans les douze derniers mois ou quatre attaques cumulées au cours des deux années précédentes. On peut aussi fortement s’interroger sur la possibilité de déclencher une opération d’effarouchement en raison de dommages, sans aucune preuve de la responsabilité de l’ours.
Certaines estives sont considérées par l’administration comme non protégeables, sans qu’il ne soit expliqué sur quels critères a été obtenue cette classification. La préservation de l’élevage de haute montagne ne peut pas se faire au détriment de la nature et des espèces sauvages.
Chez AVES France, nous pensons qu’il faut conditionner les activités humaines comme l’élevage, dans nos parcs régionaux ou nationaux, a un respect strict de la nature. Un cahier des charges mentionnant l’obligation de mettre en place des moyens de protection des troupeaux devrait être imposé en zone de présence des prédateurs.
Des solutions comme la présence de bergers, le regroupement nocturne des troupeaux et le soutien par des chiens de protection ont fait leurs preuves. Le dossier ne précise pas qui devra contrôler sur le terrain la mise en place effective et proportionnée de ces mesures, leur insuffisance éventuelle ou leur inefficacité, qui conditionnent pourtant la délivrance de la dérogation à la protection de l’ours.
D’autres pays ont fait le choix d’accompagner les éleveurs sur le terrain afin de réaliser des bilans de vulnérabilité et de trouver avec eux des solutions fiables pour protéger leurs troupeaux. C’est notamment le cas en Slovénie, qui a revu ses recommandations à la faveur de cette expérimentation :
Ours et loups : et si les prédations n’étaient pas une fatalité ?
Il conviendrait de réaliser ces mêmes recherches en France, et de se poser la question du maintien de certaines estives lorsque les éleveurs refusent de protéger leurs troupeaux, au détriment des espèces sauvages.Cet arrêté va clairement à l’encontre des objectifs initiaux du plan ours. Son efficacité est contestable, voire dangereuse à terme pour la conservation de l’ours brun et plus généralement de la faune sauvage. Le but de cet arrêté semble être de vouloir chasser les ours des zones d’estive, y compris potentiellement dans un Parc National, alors qu’il est possible d’assurer la cohabitation de l’ours et du pastoralisme moyennant une bonne protection des troupeaux.
AVES France s’oppose donc à votre projet d’arrêté et pense qu’il va à l’encontre du message de respect de la nature qui devrait être tenu par le ministère de la transition écologique et solidaire, alors que nous déplorons chaque jour l’érosion de la biodiversité. Si nous comprenons l’importance de préserver certaines activités humaines, celles-ci doivent être strictement encadrées. L’ours est à sa place dans les Pyrénées. C’est à l’homme de s’adapter à sa présence et certainement pas l’inverse.