L’ours Valentin au Grand Fougeray le 27 et 28 août
18 août 2016L’ours Micha des Poliakov aux Médiévales de La Queue en Brie (94) les 17 et 18 septembre 2016
1 septembre 2016L’année dernière, les 29 et 30 août 2015, j’ai dénoncé la présence des Poliakov à la fête des cochons de Crépy-en-Valois. Le pauvre ours Micha s’y produisait et reproduisait inlassablement les tours imposés par ses dresseurs, que je considère comme les pires montreurs d’ours de France. J’avoue que je suis opposé par principe à l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques et les spectacles itinérants, mais je suis particulièrement outré par ce que ces dresseurs font subir à leur ours. Micha doit prendre des postures de soumission, sauter d’un plot à un autre, marcher sur un ballon en équilibre sur des rails et parfois même faire de la moto ! En 2016, peut-on encore tolérer qu’on fasse subir cela à un animal sauvage ?
Cette année, nous avons repéré les Poliakov à deux reprises.
Nous avons mené une action devant le salon animalier de Saint-Tricat, le 15 août dernier, mais les organisateurs avaient décidé de limiter toute interaction avec les dresseurs, rendant l’accès à leur fourgonnette impossible, afin qu’aucune image des coulisses ne filtre. Même l’horaire du spectacle a été modifié à la dernière minute, de sorte que nous ne puissions pas y assister. C’était sans compter, bien entendu, sur la présence de militants locaux qui ont pu tout de même filmer ce qui se passait sous le chapiteau.
L’autre représentation avait lieu dans l’Est, à Arcis-sur-Aube, le dimanche 28 août 2016. Le spectacle devait commencer à 14h30, alors pour ne rien en rater, je suis arrivé tôt dans le parc du Château d’Arcis. Les Poliakov étaient déjà là et Micha était enfermé dans un van conçu pour transporter un cheval. Il était stationné dans un lieu sans ombre, la porte du van entrouverte pour que l’ours ne succombe pas à cause de la chaleur. Ce n’est que vers 15 heures que Micha a pu sortir de sa cage de transport. Sacha Poliakov a extrait la cage métallique du van pendant que sa femme, Dany, tenait Micha par la laisse. Puis ses dresseurs l’ont enfermé à nouveau dans le van, sans même une gamelle d’eau. L’ours y est resté jusqu’à 16 heures, tambourinant parfois sur les parois du véhicule. Malheureusement, la loi tolère pour les animaux sauvages ce qu’elles ne permettrait pas pour des animaux familiers, puisque l’arrêté dit, dans son annexe III, que « Les dispositions relatives aux caractéristiques des installations intérieures et extérieures ne s’appliquent pas aux établissements dont les périodes itinérantes n’excèdent pas quatre jours à compter du départ des animaux des installations fixes jusqu’à leur retour. » Vous avez bien lu. Un ours peut croupir à l’arrière d’une fourgonnette pendant quatre jours sans problème. Le cinquième jour, cela devient de la maltraitance. Un texte de loi qui tombe plutôt bien quand on sait que les montreurs d’ours se produisent en général le week-end, pendant des festivités de villages.
A 15h30, avec une heure de retard sur le programme officiel, des artistes ‚Äî présentés comme russes ‚Äî ont effectué plusieurs danses, entre lesquelles Dany Poliakov a meublé en tentant de rendre son spectacle pédagogique. C’est devenu une mode chez les montreurs d’ours ! Pour justifier l’exploitation de leurs animaux, ils racontent tous, avec plus ou moins de savoir-faire, des histoires pour faire croire au public que leurs ours vivent mieux en captivité que dans leurs homologues vivant dans la nature. Vous imaginez, vous, les pauvres ours sauvages qui doivent chasser pour se nourrir et qui ne sont même pas vermifugés ? Une horreur ! Pour sûr, si on leur demandait leur avis, ils quitteraient tous montagnes et forêts pour apprendre à faire du vélo ou à gober des chammallows.
Dans le cas des Poliakov, le discours que j’ai entendu ce dimanche était truffé d’erreurs et d’approximations. Sensibiliser le public ne s’improvise pas. Et quelle crédibilité peut avoir un montreur d’ours lorsqu’il parle d’un animal dont il a brisé l’instinct sauvage pour le faire marcher sur un ballon ? Pourquoi ce petit numéro mal fagoté, rajouté au spectacle à la dernière minute ? Probablement parce que Madame Poliakov sait que les associations de protection des animaux la surveillent ! Elle a abordé le sujet à plusieurs reprises pendant la représentation, tout en rassurant son public avec des phrases comme : Micha va bien. Micha a été sauvé d’une mort certaine. Micha va rejoindre sa tanière dès qu’il va rentrer.
Parlons-en de sa tanière ! Deux personnes qui ont travaillé chez les Poliakov nous ont fourni des photos de ces tanières de rêve, qui ne sont en réalité que des abris en béton. Les photos parlent d’elle-même, non ? Les ours en sortent chacun leur tour : un jour Micha, un jour Glacha, l’autre Bonnie. Ils ont alors accès à un parc, sans même une piscine pour se baigner. Je n’ai jamais vu le paradis, mais le leur me semble bien amer.
Des oursons ?
Au cours de son improvisation, la dresseuse a lâché aux enfants qu’ils pouvaient venir chez elle pour voir des oursons. Puis elle s’est reprise, parce qu’évidemment elle serait bien embarrassée de recevoir des gens chez elle. C’est la deuxième fois que je l’entends parler d’oursons et cela m’inquiète. Combien sont-ils ? Quel dressage vont-ils subir ? Dans quels conditions vont-ils vivre ?
A 16 heures, après de longs monologues de sa dresseuse, Micha a fait son apparition. Il a enfin été sorti de sa prison étouffante, la bave aux lèvres. Il y a eu des applaudissements. Et puis, rapidement, comme toujours, des gens qui ont commencé à se poser des questions sur l’état de santé de ce pauvre ours, qui boite et dont deux griffes, recourbées jusqu’à ses soles plantaires, semblent l’empêcher de marcher normalement. Pourtant, prudemment, l’ours effectue les tours imposés par ses dresseurs. Il rechigne un peu à faire le show. Son regard malheureux me fend l’âme. Il prend des positions de domination, marche sur un ballon en équilibre sur des rails, saute, marche en imitant la bipédie humaine. On imagine, en le voyant hésiter, qu’il n’a aucune envie d’être là. Cet ours m’émeut. J’essaye de ne pas trembler pour que l’image de ma caméra et celle de mon téléphone, qui diffuse la scène en direct sur la page Facebook de l’association AVES France, soit exploitable.
Les vidéos que j’avais tournées l’année dernière à Crépy-en-Valois, ainsi que les témoignages de spectateurs horrifiés, nous avaient permis de déposer une plainte, malheureusement restée lettre morte à ce jour. C’est au procureur de décider si une plainte mérite d’être suivie ou pas et il semble que ce genre d’affaire ne soit pas prioritaire. Les dresseurs le savent bien !
Que dit la loi ?
Les conditions de détention et d’utilisation des animaux vivants, d’espèces non domestiques, dans les établissements de spectacles itinérants sont régies par l’Arrêté du 18 mars 2011. Comme souvent, le texte est flou et à la libre interprétation du dépositaire de l’autorité. Pour nous, les tours que font subir les Poliakov à leurs ours sont répréhensibles, puisque le texte dit que « Au cours du dressage, ne doivent être exigés des animaux que les actions, les performances et les mouvements que leur anatomie et leurs aptitudes naturelles leur permet de réaliser et entrant dans le cadre des possibilités propres à leur espèce. A cet égard, il doit être tenu compte de l’âge, de l’état général, du sexe, de la volonté à agir et du niveau de connaissance de chacun des animaux. »
Souvent, les gens nous demandent : « Mais qu’est-ce que vous faîtes ? Pourquoi vous ne leur retirez pas leurs ours ? »
Je suis bénévole et je ne tire aucun profit de ce combat contre les montreurs d’ours. Assister à ce genre de spectacle est toujours une épreuve pour moi ; c’est loin d’être une partie de plaisir. Nous faisons un travail de l’ombre que les gens n’imaginent certainement pas, mais pour débusquer les spectacles, nous organisons une veille, nous ratissons le web pendant des heures, nous essayons de nous faire connaître pour que les gens aient le réflexe de nous signaler les spectacles près de chez eux. Ensuite, nous publions des articles et des cyber-actions afin que le public lui-même demande aux organisateurs l’abandon des spectacles mettant en scène des ours. Souvent, comme à Crépy-en-Valois, à Saint-Tricat ou à Arcis-sur-Aube, les maires nous méprisent et ne prennent même pas la peine d’établir un dialogue. Parfois, nous tombons sur des gens plus ouverts, comme ce fut le cas avec la mairie d’Envronville, en septembre 2015. Après le ramdam que nous avions fait autour de la venue des Poliakov à Crépy-en-Valois, des milliers de personnes ont demandé au comité des fêtes d’Envronville de décommander les Poliakov. Nous avons discuté ensemble et ils ont pris la décision d’annuler la venue des dresseurs d’ours. C’était très courageux. Madame Poliakov leur a signifié son mécontentement en tenant des propos violents par téléphone, mais le contrat ne prévoyant rien en cas d’annulation, la Mairie s’est désistée et la prestation n’a pas eu lieu. Pourtant, la semaine dernière, la mairie d’Envronville a reçu la visite d’un huissier de justice, présentant une facture de 1800€ de la société des Poliakov cyniquement dénommée « Animal Bien Etre ».
D’une manière générale, lorsque nous apprenons qu’un spectacle de montreur d’ours est signalé, nous demandons aux services vétérinaires (les DDPP) d’effectuer des contrôles. Malheureusement, dans le cas des Poliakov, qui sont très difficiles à localiser, les occasions sont rares et il semble qu’aucun contrôle n’ait jamais été effectué, malgré nos demandes répétées. La DDPP de l’Oise « n’avait pas pu voir les animaux » l’année dernière à Crépy-en-Valois, la DDPP du Pas-de-calais ne s’est pas déplacée le 15 août 2016 à Saint-Tricat, je n’ai pas eu de retour de la DDPP de l’Aube suite au spectacle du 28 août, mais je n’ai vu personne sur place et enfin, la DDPP du Loir-et-cher semble considérer que tout va bien chez les Poliakov. Pourtant, le témoignage des deux personnes ayant travaillés chez eux disent le contraire. Alors, qui croire ?
Les associations n’ont pas autorité pour se rendre sur place et vérifier les conditions sanitaires dans lesquelles les ours vivent. Nous ne pouvons pas pénétrer dans un lieu privé sans y avoir été invités. Mais que peut-on faire si les autorités sanitaires ne jouent pas leur rôle ? Ce dimanche, j’ai parcouru 630 kilomètres pour filmer Micha. Comment expliquer que les inspecteurs du département n’étaient pas là ? Je suis attristé de voir que les services sanitaires n’envoient même pas un vétérinaire pour contrôler l’état de santé de l’ours lors des représentations. Je sais qu’ils manquent de moyens, je sais qu’ils doivent composer avec une législation qui est ce qu’elle est. Mais est-ce une raison pour fermer les yeux et ne pas se déplacer ?
Micha a de l’arthrose à la patte arrière gauche. La DDPP du Loir-et-Cher considèrerait ce handicap comme ancien et ne remettant pas en cause son aptitude. Micha a également une griffe à la patte avant gauche recourbée jusqu’à sa sole plantaire et la même chose à la patte arrière gauche. C’est à mon avis la raison de sa boiterie. Je pense que cette griffe recourbée l’empêche de marcher normalement et qu’il est obligé de poser délicatement sa patte sur le sol pour éviter que sa griffe ne le blesse. Elle se recourbe alors sous ses autres griffes. Pourquoi deux de ses griffes sont-elles aussi longues ? Serait-ce un moyen d’asservir de l’ours ? Afin d’essayer de répondre à nos interrogations et devant le silence des DDPP, j’ai saisi l’inspecteur général de la santé publique vétérinaire à la Direction Générale de l’alimentation, ainsi que les services de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Peut-être qu’avec leur aide, nous réussirons à obtenir des informations sur l’état de santé de leurs trois ours et des hypothétiques oursons.
La loi dit, dans l’article 36 de l’arrêté suscité, que « Les animaux malades ou blessés doivent recevoir le plus tôt possible les soins d’un vétérinaire ou, sous son autorité, du personnel de l’établissement. Ils ne doivent pas participer aux spectacles jusqu’au moment où ils recouvrent entièrement un bon état de santé. » Si, pour nous, son asservissement est de la maltraitance, ça ne l’est pas sur le plan juridique. Mais ces griffes qui se recourbent sous ses pattes, sa boiterie ? Comment peut-on obliger un ours qui a, on peut l’imaginer, autant souffert de son dressage, continuer à monter sur un ballon ? Comment le public peut-il naïvement croire que cet ours est épanoui quand il monte sur scène ?
On nous demande souvent pourquoi nous ne contactons pas de plus grosses associations ou fondations. Nous travaillons de concert avec certaines d’entre elles, mais elles ne peuvent malheureusement pas faire plus que nous sur ce dossier. La loi est ce qu’elle est et ce ne sont pas nos différences de taille ou de capacités financières qui feront avancer notre combat contre les montreurs d’ours. Une avocate nous conseille sur les questions juridiques et rédige nos plaintes, sincèrement, je ne vois pas ce que nous pourrions faire de plus. Par contre, je déplore qu’aucun vétérinaire, ni aucun spécialiste de l’ours en France, n’ait le courage de dire publiquement ce que ces ours ont du subir pour pouvoir effectuer des tours aussi complexes. Et c’est la même chose du côté des médias. A part le + du Nouvel Obs, qui a donné de l’écho à mon témoignage l’année dernière, aucun média n’a souhaité aborder le sujet. Trop polémique, m’a-t-on répondu.
Un ours peut-être dangereux et imprévisible. Même né en captivité, il reste un animal sauvage.
Dimanche, à la fin du spectacle, les Poliakov ont tenu à récompenser quelques personnes dans le public en les faisant monter sur scène. Ils ont pu caresser l’ours Micha et prendre des photos avec lui. Micha montrait des signes de fatigue. Il n’écoutait plus son dresseur. Il s’est relevé alors que deux enfants approchaient pour prendre la pose. Qu’on soit contre ou qu’on soit pour les montreurs d’ours, il y a un point sur lequel on ne devrait pas transiger, c’est la sécurité du public. Même né en captivité, l’ours reste un animal sauvage. Il peut avoir un comportement imprévisible. Que se serait-il passé en cas d’accident ? Pour l’ours ? Pour le public ? Si on ne peut pas interdire les montreurs d’ours, on devrait au moins, dans un premier temps, interdire toute interaction avec le public. Mais comme je le rappelle souvent, d’autres pays dans lesquels les montreurs d’ours faisaient parti du patrimoine ont renoncé à cette pratique. A croire qu’en France, on n’aime aussi peu les ours captifs que notre poignée d’ours dans les Pyrénées.