Meute de 7 loups et Fauconnerie au Château de le Chapelle d’Angillon le 5 et 6 septembre
26 août 2015Colloque « Vivre avec l’Ours polaire ? » 25 et 26 septembre 2015 à l’UNESCO, Paris.
7 septembre 2015Il y a plusieurs semaines, une adhérente de l’association AVES France m’informe qu’une fête médiévale va avoir lieu les 29 et 30 août 2015 à Crépy-en-Valois, dans l’Oise. C’est la fête des cochons, un évènement dans la région qui accueille des dizaines de milliers de visiteurs chaque année, depuis 1997. Seule ombre au tableau : la présence d’un couple de montreurs d’ours, les Poliakov, accompagnés de leur ours Micha.
Sur son site internet, la mairie de Crépy s’extasie de la présence de ces artistes. On peut y lire : « Mais la grande nouveauté cette année, c’est sans conteste le spectacle de dressage des animaux avec Les Poliakovs et leur ours Micha. » Peut-être n’ont-ils pas conscience de ce que font faire à leurs ours ces deux dresseurs, bien connus des associations de protection des animaux, qui les ont dans le collimateur depuis des années. Car les Poliakov ne sont pas des petits joueurs ! Installés en France, dans le Loire-et-Cher, ils ont actuellement trois ours : Bony, un grizzly mâle ; Glasha, une ourse brune de souche syrienne, qui serait gestante et Micha, la star de la fête médiévale de Crépy-en-Valois, un ours brun de souche européenne de 17 ans.
On entend souvent les dresseurs dire que leurs animaux ont été élevés au biberon et qu’il a fallu beaucoup d’amour et de confiance pour leur permettre de reproduire les tours spectaculaires qu’ils leurs imposent. Les ours des Poliakov font de la moto et marchent sur des ballons…
L’association Code Animal a interrogé Isabelle et Alain Boyaval, éthologues, spécialistes sur le comportement des ours noirs américains et des grizzlis. Ceux-ci sont formels : « les ours utilisés par ces dresseurs d’ours sont manipulés avec une barbarie impressionnante. Les tours utilisés sont du troisième niveau, ne sont absolument pas en corrélation avec la biologie des animaux. Ces animaux ne font jamais ce genre de tour dans la nature (monter sur des rouleaux, ballons, scooters, vélos…). Connaissant parfaitement le sujet, nous affirmons que la violence ou la privation de nourriture sont obligatoires pour accéder à ces résultats. »
J’ai donc contacté, en ma qualité de Président de l’association AVES France, la mairie et les organisateurs de la fête des cochons de Crépy-en-valois. Personne n’a souhaité me répondre. Nous avons donc décidé de lancer une action en demandant à nos membres d’écrire aux organisateurs pour leur demander de faire annuler la présence des montreurs d’ours. Toujours aucune réaction, ni des organisateurs, ni du maire ou des adjoints de Crépy-en-valois. Comprenant que le spectacle aurait lieu, nous avons contacté la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) de l’Oise, qui fait autorité sur ce genre de manifestation, leur demandant d’organiser une inspection pour vérifier l’état de santé de l’ours et les autorisations des dresseurs.
Il est rare de savoir où et quand vont se produire les Poliakov. Il était donc hors de question de ne pas nous rendre à leurs représentations, car nous souhaitions avoir nos propres images et nos vidéos pour pouvoir sensibiliser le grand public au sort de ces ours de spectacles. Des sympathisants ont écrit aux organisateurs pour leur demander quand auraient lieu les spectacles. Il leur a été répondu qu’il n’y aurait pas de représentations, mais seulement des déambulations. Un petit mensonge pour nous décourager de venir assister à la fête. Pas convaincus par cette réponse, je me suis tout de même rendu le samedi 29 août à Crépy-en-valois, dans le parc Sainte Agathe, et j’ai découvert dès mon arrivée que les spectacles avaient bien lieu.
Au milieu d’une foule bruyante, séparé du public par un ridicule rondin de bois, l’ours Micha et ses dresseurs. Il fait chaud et il ne semble pas avoir très envie de faire son show, ce pauvre ours, mais il répond aux cris de sa maîtresse. Micha se lève, Micha s’assoit. Micha prend des postures de soumission, puis monte sur un ballon en équilibre sur des rails, en hauteur. L’ours est muselé et tenu en laisse pour respecter l’arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d’utilisation des animaux vivants d’espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants.
« Les animaux doivent être muselés et tenus en laisse. Un point fixe solidement implanté dans le sol et situé à proximité immédiate du lieu où se tiennent les animaux doit permettre de les attacher en cas de besoin. Un nombre suffisant de personnel doit se trouver à proximité immédiate du spectacle afin de pouvoir maîtriser de cette manière les animaux. Toutefois, si les animaux sont présentés en cage circulaire ou séparés du public par une clôture électrique installée à la périphérie de la piste, le port d’une muselière n’est pas obligatoire. A défaut du respect de l’ensemble de ces dispositions ou si les animaux ont présenté un caractère pouvant être agressif, les ours doivent être présentés au public en cage circulaire de la même manière que les félidés. »
Je sors ma caméra et je filme. Je ne veux rien manquer, parce que je sais que ces images sont rares et qu’elles auront un poids. A défaut de libérer cet ours et ses congénères de leur calvaire, elles vont permettre de sensibiliser le public, celui qui est là et qui applaudit, ces familles qui crient pour encourager un ours qui n’a rien à faire dans une fête de village.
Cet ours qui sillonne les routes dans une fourgonnette aménagée en cage de fortune, échappant à toute règlementation car il n’y passe pas plus de quatre jours à chaque déplacement. C’est devenu sa tanière. Il y est enfermé dès que le spectacle est fini. Il y dort. S’y cache des curieux. Y souffre de la chaleur. Y meurt de soif car au moindre mouvement, son écuelle d’eau se remplit de copeaux de bois. A côté de moi, un petit groupe questionne la dresseuse : « n’a-t-il pas trop chaud ? A-t-il suffisamment à boire ? » Elle est sur la défensive et répond par l’agressivité. Les paroles fusent dans les deux camps. Micha, lui, est enfermé dans sa cage et attend le prochain spectacle pour sortir. Le coeur lourd après avoir passé quatre heures près de lui, je prends la route du retour ; ce déplacement avait une importance capitale.
De retour chez moi, je télécharge les photos et les vidéos, que je publie rapidement sur la page facebook de l’association et sur Twitter. En quelques heures, l’album photo fait le tour du monde et les statistiques s’emballent : 40.000 personnes l’ont consulté, c’est 952% de plus que nos publications habituelles. Beaucoup de gens découvrent qu’il y a encore des montreurs d’ours en France, en 2015. Je reçois des commentaires dans de nombreuses langues que je ne comprends pas. On me demande comment agir, s’il y a une pétition à signer, un moyen de mettre un terme à la souffrance évidente du plantigrade. Je butte en touche. Depuis des années nous dénonçons les spectacles de montreurs d’ours, tout en étant tributaires d’une loi qui joue en notre défaveur. Faire danser un ours est immoral, mais c’est légal. De plus en plus de pays interdisent les cirques, mais en France, on tolère la corrida, les combats de coqs, les cirques avec animaux et donc, bien évidemment, les montreurs d’ours. Pour avoir vécu plusieurs années en Roumanie, où les tziganes faisaient danser leurs ours au son du tambourin par tradition, je sais qu’on peut mettre un terme à cela. Il n’y a plus de montreurs d’ours en Roumanie. A la place, on trouve une magnifique réserve, à Zarnesti, où les ours vivent dans d’énormes enclos boisés une retraite bien méritée.
Mais je continue de penser à Micha, que j’ai vu boiter lors qu’il traversait la foule, entre sa cage et la piste du spectacle. Sa patte arrière gauche est raide et j’avais déjà remarqué ce handicap sur des vidéos de 2012, lorsqu’il avait été invité à Saint-Lô. Nous savons de source interne que Micha est un ours fragile et qu’il a de nombreux problèmes de santé. Ses griffes notamment ne s’usent pas suffisamment et provoquent des lésions en se recourbant dans la plante de ses pieds. Je décide donc de recontacter la DDPP afin de savoir s’ils l’ont également constaté, puisque plusieurs textes de loi précisent qu’il est interdit d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité, mais aussi de faire participer un animal qui ne serait pas en bonne santé à un spectacle. J’en profite pour demander à la DDPP s’ils ont assisté au spectacle, puisque la loi stipule également que pour tout animal sauvage ne seront tolérées que les «actions, les performances et les mouvements que leur anatomie et leur aptitudes naturelles leur permet de réaliser et entrant dans le cadre des possibilités propres à leur espèce », or Micha a été contraint de marcher sur un ballon… et je n’ai jamais vu un ours marcher sur un ballon dans son milieu naturel !
La réponse de la DDPP de l’Oise m’a achevé ; elle tient en deux phrases : « Des agents se sont rendus sur place et n’ont pu observer les animaux. Concernant la sécurité du public, elle ne relève pas des services de la DDPP. »
Qui de plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ? N’y a-t-il pas un problème quand celui qui ferme les yeux est celui qui est censé faire respecter la loi ?
Le salut de ces ours ne viendra que si un jour des politiques ambitieux votent des lois pour les protéger, mais en attendant, que pouvons-nous faire ? A part nous indigner ? J’ai contacté l’AJD, fondée par des avocats militants pour les droits des animaux. Pour eux, il n’y a aucun doute : faire travailler Micha malgré son handicap et le contraindre à effectuer des tours contre-nature est une forme de maltraitance, et nous devons assigner les montreurs d’ours en justice, option que nous envisageons aujourd’hui sérieusement. Mais AVES France, malgré ses dix ans d’existences, reste une petite association animée seulement par des bénévoles. Trouver les soutiens pour financer une action en justice, trouver le temps pour monter un dossier suffisamment solide, nous le ferons. Pour Micha. Pour les autres ours captifs et les deux oursons à venir des Poliakov, qui seront dressés dès leurs trois mois ! Rien que d’y penser me fait souffrir. Mais en attendant, je souhaiterais dire une seule chose au public : pensez à ce qu’ont subi ces animaux pour vous offrir quinze minutes de rêve.
Beaucoup nous demandent d’agir. Mais la première action, c’est à eux de l’accomplir. Il suffit de ne plus jamais assister à une fête qui vante la présence d’un montreur d’ours.
Si vous souhaitez nous aider à mettre un terme à ces spectacles, la collecte est ici : http://www.helloasso.com/associations/aves-france/collectes/montreurs-d-ours-sortons-la-france-du-moyen-age